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LE THÉÂTRE DES ÉMOTIONS (exposition)

Une histoire des émotions à travers une sélection de leurs représentations a été présentée par Dominique Lobstein et Georges Vigarello, codirecteurs d’une Histoire des émotions (trois tomes, 2016-2017) au musée Marmottan-Monet, du 13 avril au 21 août 2022 à Paris.

Dès l’entrée, le visiteur est confronté au contraste saisissant entre le portrait d’une sainte Madeleine à l’émotion très retenue (vers 1525), dont les pleurs sont suggérés par le mouchoir qu’elle porte à ses yeux, et La Suppliante (1937), un tableau de Picasso qui s'inscrit dans la suite de l’emblématique Guernica où explose l’expression paroxystique de la douleur d’une femme.

De l’allégorie à la peinture du sentiment

Au début du parcours de l’exposition, la mobilité des traits du visage n’est que progressivement associée aux émotions. Madeleine, figure de la culture chrétienne, est ici identifiée par le pot à parfum qui, selon les Évangiles, lui servit à oindre les pieds du Christ. Ses cheveux sont tirés sous une coiffe, à la différence de nombreuses autres représentations connues de la sainte où sa chevelure est une parure séductrice, comme on le voit plus loin avec la très caravagesque Marie-Madeleine repentante (Johannes Moreelse, vers 1630), allongée sur le sol dans l’obscurité de la grotte où elle s’est retirée loin du monde, comme le veut la légende. Cette fois, son visage lumineux témoigne d’une interrogation intérieure inquiète.

Tout au long de l’exposition, le traitement des expressions par les artistes va être documenté en contrepoint par les recherches iconologiques qui leur sont contemporaines : celles de Cesare Ripa à partir de 1593, puis Charles Le Brun au xviie siècle, ou encore Grandville et le docteur Duchenne de Boulogne au xixe siècle. Des conventions graphiques aux recherches physiognomoniques, sans oublier la représentation des passions au théâtre, les œuvres ici montrées mettent en scène l'intrigante intériorité des affects.

Le recours aux allégories est illustré par une présentation alternée de trois estampes d’Albrecht Dürer : Le Chevalier, la Mort et le Diable (1513), Le Violent (vers 1495) et la célèbre Melancolia I (1514) . Souvent associée aux représentations de l'impuissance du savoir humain face aux forces de la nature, ainsi qu’au portrait imaginaire du génie mélancolique, ce dernier motif concentre en lui toutes les interrogations de l'humanisme européen.

<em>La Jeune fille à la colombe</em>, J.-B. Greuze - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

La Jeune fille à la colombe, J.-B. Greuze

C’est au xviiie siècle, avec l’attention inédite portée à la sensation et à la sensibilité, que l’on voit apparaître ces portraits aux traits agréables qui suscitent l'empathie, comme le sourire de La Jeune Fille à la colombe (vers 1780) de Greuze ou La Balançoire (vers 1750) de Fragonard. D’autres émotions sont plus déroutantes. Elles inquiètent ou suscitent un recul, comme c'est le cas avec des œuvres qui s'écartent des normes sociales ou morales. La Folie de la fiancée de Lammermoor (1850) d'Émile Signol fait écho au romantisme noir, tandis que Le buveur d’absinthe (1880) de Jean-François Raffaëlli ou La Dame au cochon Pornocratès (1896) d’Albert Bertrand d’après Félicien Rops illustrent la période fin de siècle, celle de Baudelaire, Barbey d’Aurevilly ou Huysmans. Certains rôles tragiques confinant chez Shakespeare à la folie meurtrière, comme Rachel dans Lady Macbeth (1849) de Charles Louis Müller, donnent à la théâtralité émotionnelle une authenticité troublante propice au rejet.

Les écarts sont également du côté du rire : autoportraits malicieux avec le Portrait de l’artiste sous les traits d’un moqueur (vers 1793) de Joseph Ducreux, ou des jeux de grimaces avec Réunion destrente-cinq têtes d’expression (vers 1825) de Louis-Léopold Boilly. Dans cette galerie taquine se trouve également Honoré Daumier qui illustre la place de la caricature avec[...]

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<em>La Jeune fille à la colombe</em>, J.-B. Greuze - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

La Jeune fille à la colombe, J.-B. Greuze