LE THÉÂTRE ET SON DOUBLE, Antonin Artaud Fiche de lecture
Le 6 janvier 1936, Antonin Artaud (1896-1948) soumet à Jean Paulhan plusieurs textes (articles, conférences, lettres) destinés à composer un essai sur le théâtre. Au mois de décembre de la même année, il écrit à Gaston Gallimard pour défendre son travail « qui touche à des problèmes d'une extrême actualité ». Mais Le Théâtre et son double ne sera publié qu'en 1938, alors qu'Artaud vient d'être interné.
Restaurer la fonction sacrée du théâtre
Le Théâtre et son double regroupe un ensemble de conférences (« Le Théâtre et la peste », « La Mise en scène et la métaphysique »), d'articles (« Le Théâtre alchimique », « Sur le théâtre balinais »), deux manifestes sur « le théâtre de la cruauté », et de nombreuses lettres rédigées entre 1932 et 1937. À travers ces textes, Antonin Artaud expose ses conceptions du théâtre et secoue la complaisante torpeur dans laquelle se fige la culture occidentale. En y voyant davantage qu'un simple traité de la pratique théâtrale, Jacques Derrida insiste sur le fait qu'il s'agit là plus particulièrement « d'un système de critique ébranlant le tout de l'histoire de l'Occident ».
Le Théâtre et son double reçut son unique illustration avec la mise en scène des Cenci, drame tiré de Shelley et de Stendhal qu'Artaud monta en 1935, mais qui ne resta que dix-sept jours à l'affiche. Par la mise en scène et par l'interprétation, Artaud affirmait alors vouloir porter « au cours du spectacle, l'action, les situations, les images à ce degré d'incandescence implacable qui dans le domaine psychologique ou cosmique s'identifie avec la cruauté ».
Parce que l'idée de théâtre s'est perdue, Artaud entend la restaurer dans sa fonction sacrée, celle d'une métaphysique aboutissant à l'unité originelle. En s'inspirant du théâtre balinais, qui possède son propre langage de signes, il en vient à opposer la conception d'un théâtre occidental, assujetti à la parole et aux textes, à celle d'un théâtre oriental « taillé en pleine matière, en pleine vie, en pleine réalité », qui élimine l'auteur au profit du metteur en scène promu au rang « de maître de cérémonies sacrées ».
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Écrit par
- Florence BRAUNSTEIN : professeur en classes préparatoires économiques et scientifiques
Classification
Médias
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