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LE TROUPEAU, film de Yilmaz Güney

Fils d'ouvrier agricole kurde, le réalisateur turc Yilmaz Güney (1937-1984) a entrepris des études d'économie et pratiqué divers métiers avant de découvrir le cinéma en 1958. Comédien, assistant, scénariste auprès du cinéaste Atif Yilmaz, il est aussi écrivain. Un roman suspecté de véhiculer des idées communistes lui coûte dix-huit mois de prison. À partir de 1968, il décide de réaliser ses propres films, abordant des thèmes sociaux sous l'influence esthétique du néo-réalisme italien. Paraissent ainsi une quinzaine de films : Seyyit Han (1968), L'Espoir (Umut, 1970), Les Fugitifs (Kaçaklar, 1971), Les Desespérés (Umutsuzlar, 1971), La Douleur (Aci, 1971), etc. Puis il est condamné en 1974 à dix-huit ans de prison pour le meurtre, jamais prouvé, d'un magistrat. De prison, Güney écrit des livres et des scénarios dont il confie la réalisation à des amis, à l'extérieur – son ancien assistant Şerif Gören puis Zeki Ökten à qui il procure Le Troupeau, avec des indications très précises sur la mise en scène, le jeu des acteurs, la photographie. Il parvient à s'évader en 1981 et gagne la France où son film Yol obtient, avec Missing de Costa-Gavras, la palme d'or à Cannes en 1982. Son dernier film, Le Mur (Duvar), sera réalisé en France en 1983.

L'exil rural

Réalisé et mis en scène par Zeki Ökten, Le Troupeau représente bien plus qu'une simple traversée de la Turquie contemporaine, des plaines d'Anatolie à Ankara. Le film prend la forme d'un véritable cheminement dans le malheur. Hamo règne en despote sur sa famille. D'un clan rival, sa belle-fille Berivan est stérile et porte toutes les malédictions. Shivan, son mari, accepte d'aider son père Hamo à convoyer leur troupeau, seule richesse de la famille, jusqu'à la capitale, où il fera soigner sa femme. D'étape en étape, le troupeau est décimé par la maladie, la corruption et les vols. Aux yeux du patriarche, Berivan est la responsable de ces malheurs. Désintégré et fatigué, le groupe finit par arriver à Ankara, poussant ce qui reste du troupeau dans le flot de la circulation automobile. Ils dépensent leurs dernières économies pour nourrir les moutons avant de les vendre et de faire soigner leur belle-fille. Épuisée et enfermée dans son mutisme, celle-ci refuse de se faire ausculter et finit par mourir. Par la suite, désespéré, son mari assistera impuissant au meurtre d'un militant d'extrême gauche. Le patriarche Hamo erre seul dans la grande ville, indifférent au discours final d'un jeune berger devenu chômeur à Ankara et prônant la lutte des classes. Toute sa famille a disparu.

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Écrit par

  • : maître de conférences, sociologue à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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