LE VENT SE LÈVE (Miyazaki Hayao)
Un humanisme contrarié
Lors de la sortie du film, certains critiques ont reproché au cinéaste de faire l’apologie des avions de guerre. Rien n’est plus absurde. Car c’est une constante du film tout entier : bien que soumis aux diktats de ses supérieurs, Jiro ne pense qu’à l’ivresse de voler. À plusieurs reprises, il dit son désir d’alléger les engins, de supprimer les mitrailleuses, de mettre des passagers à la place des bombes, etc.Jiro est un pur. Lors de son séjour en Allemagne, il remarque trois enfants affamés et se pose des questions sur son salaire d’ingénieur, découvrant que « le prix d’une entretoise pourrait nourrir une famille pendant un mois ». On voit monter son inquiétude devant l’imminence d’une nouvelle guerre mondiale. Il s’alarme, lors de la visite d’une usine allemande, devant le prototype d’un énorme bombardier (« Pour attaquer qui ? »).
Comme le dit son producteur, Suzuki Toshio, Miyazaki s’est toujours senti écartelé« entre son désespoir et sa foi en l’humanité ». Cet écartèlement, Jiro le subit également dans sa vie amoureuse. « C’est magnifique de vivre ! » lui dit Nahoko, dans un des grands moments de lyrisme qui jalonnent le film. Mais le drame couve. Quand Nahoko peint dans un paysage ensoleillé et verdoyant, un flot de sang jaillit sur sa palette. Plus loin, ce seront les larmes de Jiro qui tomberont sur une lettre d’amour. Jamais Miyazaki n’avait raconté une histoire d’amour aussi emplie de passion, montré des amoureux courant l’un vers l’autre pour se dire « je t’aime », ou filmé en gros plan un baiser quasiment hollywoodien…
La mise en scène passe de l’intimisme au spectaculaire, avec des mouvements de foule peu courants en animation traditionnelle (la séquence époustouflante du tremblement de terre de Kantō, qui dévasta une région en quelques minutes). Magnifié par la musique du fidèle compositeur Joe Hisaishi, Le vent se lève participe de la filmographie d’un immense auteur, grand humaniste qui aura su préserver son originalité, sans la moindre concession à l’écrasante machine industrielle qu’est parfois le cinéma.
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Écrit par
- Bernard GÉNIN : journaliste de cinéma
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