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MORATÍN LEANDRO FERNÁNDEZ DE (1760-1828)

Poète des toros, auteur de quelques comédies et réformateur du théâtre de son pays, Nicolas Moratín (1737-1780) laissera moins de souvenir dans la littérature espagnole que son fils Leandro qu'on appelle souvent Moratín le Jeune pour le distinguer de son père. Leandro fait d'abord un modeste apprentissage de bijoutier auprès du joaillier de la reine Isabelle ; il exerce ensuite à la Cour et dans la diplomatie des fonctions diverses. À partir du moment où il commence à écrire, la protection de hauts personnages (Jovellanos, Floridablanca, Godoy lui-même) lui sera bien utile pour se défendre contre les reproches de gallicismo, c'est-à-dire de francophilie, tant littéraire que politique, et d'immoralité que formuleront contre lui des coteries de gens de lettres, des membres du clergé, allant même jusqu'à l'opposer un instant à l'Inquisition.

La faveur dont il jouit à la Cour lui permet d'obtenir en 1787 une mission à Paris comme secrétaire du comte Cabarrus, père de la future Mme Tallien. Il rencontre dans la capitale maints écrivains français et même étrangers comme l'Italien Goldoni avec qui il se lie d'amitié. Mais, à la disgrâce de Cabarrus, il retourne en Espagne, peu avant qu'éclate le Révolution. Et c'est en Espagne qu'il écrit et fait représenter ses deux premières pièces, Le Vieillard et la jeune fille (El Viejo y la niña, 1790) en vers, et Le Café (La Comedia nueva o el Café, 1792), satire littéraire en prose. En juin 1792, il retourne en France, mais ne tarde pas à se rendre en Angleterre et en Italie.

Ayant regagné son pays quand survient l'invasion française, il prend résolument parti pour le roi Joseph (Bonaparte) ; ce qui lui permet d'être bientôt nommé directeur de la Bibliothèque nationale. Mais au retour des Bourbons, il juge prudent de s'exiler lui-même en France et c'est à Paris, sous la Restauration, qu'il vivra ses dernières années. Entre les deux pièces déjà mentionnées, Moratín a produit trois comédies à la fois de mœurs et de caractères, El Barón (1803), La Fausse Dévote, (La Mojigata, 1804) et celle qui est généralement tenue pour son chef-d'œuvre et qui l'est en effet par l'observation fine, le comique et l'émotion sentimentale subtilement dosés : Le Oui des jeunes filles (El Sí de las niñas, 1806).

Malgré son admiration pour Shakespeare (dont il traduisit Hamlet en 1794) et pour les grands dramaturges espagnols du siècle d'Or (auxquels il rend justice dans les Origines du théâtre espagnol, ouvrage posthume), Moratín, surtout épris de classicisme à la française, entend renouveler le théâtre de son pays en y faisant prévaloir le bon sens, l'ordre et la règle des trois unités, qu'il se flatte de n'avoir, pour sa part, jamais transgressée. À cet égard, c'est bien en France que se situent ses véritables maîtres : Molière surtout (dont il traduisit Le Médecin malgré lui, et adapta L'École des maris) et Marivaux (dont L'École des mères entre autres n'est pas sans rapport avec Le Oui des jeunes filles). Mais, en même temps, ses comédies prétendaient être « en basquine et en mantille », c'est-à-dire d'un réalisme plus concret et plus localisé.

— Michel BERVEILLER

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Écrit par

  • : maître de conférences à la faculté des lettres et sciences humaines d'Amiens

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