LECTURES D'ÉCONOMIE POLITIQUE, Johan Gustav Knut Wicksell Fiche de lecture

Les processus cumulatifs : une analyse dynamique de l'articulation des sphères réelles et monétaires

L'ouvrage de Wicksell est particulièrement novateur dans sa tentative de décrire, à travers le modèle des processus cumulatifs, les mécanismes qui relient les sphères réelle et monétaire. La double nature du taux d'intérêt permet d'envisager la réciprocité des relations entre les marchés réel et monétaire de demande d'investissement de capital et d'offre d'épargne. Les concepts utilisés pour cette mise en relation sont les systèmes de prix relatifs et les taux d'intérêt naturel et monétaire. En effet, « les prix monétaires, contrairement aux prix réels, ne sont jamais déterminés par les conditions du marché des biens (ou de la production de biens) ; c'est plutôt dans les relations de ce marché avec le marché monétaire, dans le sens large du terme, qu'il est nécessaire de chercher les causes qui règlent les prix monétaires. »

Dans le modèle des processus cumulatifs, lorsque le taux monétaire diffère du taux naturel, les variations de l'épargne et de l'investissement vont affecter les demandes globales de biens de consommation et d'investissement puis le niveau des prix. Le déséquilibre qui en résulte accroît la divergence entre taux d'intérêt naturel et taux d'intérêt monétaire, qui engendre une variation cumulative et auto-entretenue des prix.

La rupture opérée par Wicksell de la dichotomie entre les sphères réelle et monétaire ouvre la voie au développement de théories macroéconomiques. Différents courants ont intégré cet apport : il constitue le principal objectif du programme de recherche de l'école de Stockholm, dont les membres vont développer dans les années 1930 une analyse macroéconomique dynamique permettant une meilleure compréhension des cycles économiques ; mais il sera également repris et développé par des auteurs aussi différents que Keynes dans sa macroéconomie monétaire et Hayek dans son analyse du surinvestissement.

L'ouvrage de Wicksell, relativement peu critiqué par ses contemporains, se caractérise aussi par la volonté permanente de l'auteur d'envisager les arguments permettant la réfutation des conclusions auxquelles il aboutit. Appliqué à la monnaie, ce principe méthodologique constitue un aspect très innovant de la théorie économique du début du xx^e siècle.