LEE HELTON JACKSON dit SPIKE (1957- )
Faire œuvre politique
En 1997, un des criminels responsables d'un attentat raciste à Birmingham, en 1963, qui fit de nombreux blessés et coûta la vie à quatre fillettes, est enfin condamné. Spike Lee se rend sur les lieux et réalise un remarquable documentaire, Four Little Girls (1998). Ce film constitue une enquête de fond sur le sud des États-Unis au moment où le combat pour la reconnaissance des droits civiques était près d'aboutir. Les parents des victimes, mais aussi divers témoins sont interrogés. Cette fois-ci, Spike Lee, comme dans Katrina (When the LeevesBroke : A Requiem in Four Acts, 2006), donne un vrai film sociopolitique.
On voit dans Four Little Girls la fameuse marche sur Washington d'août 1963 qui allait faire basculer les choses. Comment ne pas la comparer à la Million Man March (réservée aux seuls hommes afro-américains) d'octobre 1995, initiée par Louis Farrakhan, leader de Nation of Islam, et qui sert de prétexte à Get on the Bus (1996). Spike Lee connaît là à nouveau une crise identitaire qui le conduit à illustrer une initiative venant d'un personnage tenant des propos racistes, antisémites et misogynes. Comme à son habitude, le cinéaste expose – ici, dans un car qui conduit quelques individus (dont un métis, un musulman ancien gangster, deux homosexuels et un chauffeur juif) vers le lieu de la manifestation – tous les points de vue : de l'adhésion au rejet.
Le cinéaste fait œuvre politique avec Katrina. Il se rend à La Nouvelle-Orléans pour filmer les dégâts causés, à la fin août 2005, par l'ouragan Katrina. Une centaine de personnes sont interrogées, Blancs, Noirs, toutes des victimes. Cette région étant majoritairement peuplée de gens de couleur assez pauvres, le film devient rapidement un réquisitoire contre le gouvernement fédéral qui n'a pas envoyé de secours à temps et n'a rien fait pour aider les sinistrés, éparpillés dans une quarantaine d'États. Le film renvoie, par moments, au contenu de Four Little Girls : le sectarisme des gouvernants a pris une autre forme, mais demeure toujours présent.
Depuis 2015, certains films de Spike Lee produits par les plateformes Amazon ou Netflix ne sont pas distribués en salle en France.BlacKkKlansman : J'ai infiltré le Ku Klux Klan (2018) marque le grand retour du metteur en scène sur les écrans et lui vaut de recevoir le grand prix au festival de Cannes (sa première récompense !).
Le film s'inspire du livre autobiographique de Ron Stallworth, Le Noir qui infiltra le Ku Klux Klan (Black Klansman). Le « héros » du film, qui conserve son nom, est interprété par John David Washington (le fils de Denzel, vieux complice de Spike). En 1978, Stallworth est le premier policier noir de la ville de Colorado Springs. Sa première mission est d’infiltrer un groupe d’activistes afro-américains venus écouter un rescapé du mouvement des Black Panthers. Il tombe amoureux de Patrice Dumas, une militante intransigeante. Stallworth arrive ensuite à convaincre ses responsables de l’inactualité de cette action au profit d’une surveillance accrue d’un groupe de membres du Ku Klux Klan redevenu actif. Renouant avec son ton très sarcastique, Spike Lee, prend une fois de plus le spectateur à témoin, gagne sa sympathie et le guide dans une farce didactique très prenante.
Ne se contentant pas d’adapter le récit de Ron Stallworth, Spike Lee relie son combat aux débats contemporains de l’Amérique de Donald Trump. La fin du film montre des images de la manifestation « Unite the Right » à Charlottesville, et l’on voit la voiture conduite par le militant suprémaciste blanc James Alex Fields foncer vers la foule au sein de laquelle Heather Heyer trouvera la mort.
Au cours de sa longue filmographie, Spike Lee, qui a abordé de nombreux thèmes liés aux relations entre Blancs et Noirs, décrit ces dernières comme inapaisées :[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Raphaël BASSAN : critique et historien de cinéma
Classification
Autres références
-
AFRO-AMÉRICAIN CINÉMA
- Écrit par Raphaël BASSAN
- 6 876 mots
- 3 médias
Artiste et fer de lance de la période, Spike Lee est un auteur complet qui crée un univers personnel, dès son premier long-métrage Nola Darling n’en fait qu’à sa tête, qui porte les aspirations de sa communauté tout en synthétisant son potentiel expressif mis au service d’une volonté créatrice... -
CINÉMA (Aspects généraux) - Histoire
- Écrit par Marc CERISUELO , Jean COLLET et Claude-Jean PHILIPPE
- 21 694 mots
- 41 médias
...Miller'sCrossing, 1990 ; Barton Fink, 1991 ; The Big Lebowski, 1998 ; O Brother, 2000), Michael Mann, né en 1943 (Heat, 1995 ; Collateral, 2004), Spike Lee, né en 1957 (Malcolm X, 1992), Quentin Tarantino, né en 1963 (ReservoirDogs, 1992 ; Pulp Fiction, 1994 ; Jackie Brown, 1997), et David... -
ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - Le théâtre et le cinéma
- Écrit par Geneviève FABRE , Liliane KERJAN et Joël MAGNY
- 9 328 mots
- 11 médias
...Leacock, Frederic Wiseman) ou militant (Emile De Antonio, Barbara Kopple), ne s'est pas vraiment concrétisé, sinon par l'émergence d'un cinéma noir dont Spike Lee est le représentant le plus original et le plus connu en Europe (Do the Right Thing, 1989 ; Malcolm X, 1992 ; Girl 6, 1996 ; The Very Black... -
RAP, musique
- Écrit par Olivier CACHIN
- 5 833 mots
- 6 médias
...l’origine de Jazzmatazz, on trouve le morceau de Gang Starr « Jazz Thing » (composé en collaboration avec Branford Marsalis), inclus en 1990 par Spike Lee sur la bande originale de son film Mo’ Better Blues. Plusieurs autres volumes de Jazzmatazz suivront le premier, sorti en 1993. Des artistes...