PERRY LEE (1936-2021)
Personnage emblématique du reggae et du dub, le producteur Lee « Scratch » Perry était un « génial sorcier du son ». Jusqu’à la fin de sa vie, à un âge où l’on est censé s’être assagi depuis longtemps, lui teignait encore ses cheveux et sa barbe d’une couleur orangée, portait bijoux et breloques en tout genre, ajoutant sur sa tête, selon son humeur, une coiffe d’Indien ou une casquette improbable constellée de miroirs et de badges. Au-delà de ses côtés fantasques, Lee « Sratch » Perry était surtout un producteur inspiré, qui a influencé des générations de DJ’s. Par sa science de l’enregistrement et du mixage, il a marqué de sa vision sonore la musique et les voix de Bob Marley, Max Romeo, Junior Murvin, The Congos, et d’une pléiade d’artistes jamaïcains notoires. Également performeur et chanteur, il scandait sur scène, tel un chaman, des phrases mystérieuses ne faisant sens qu’à l’aune de sa propre logique.
Lee Perry est né dans une famille modeste sous le nom de Rainford Hugh Perry à Kendal, un village de fermiers situé au nord-ouest de la Jamaïque, le 20 mars 1936 – quoique cette date reste assez incertaine. Il travaille d’abord dans les champs avant de partir à travers l’île à la recherche d’un emploi plus rémunérateur. Nomade pendant près de dix ans, il alterne les petits boulots, danse, perd et gagne de l’argent aux dominos. Il racontera plus tard avoir tout appris dans la rue. À la fin des années 1950, il rejoint Kingston, la capitale, avec l’idée de devenir chanteur. En 1965, le producteur Clement « Coxsone » Dodd, patron du label Studio One, l’embauche comme homme à tout faire. Il lui apprend le métier d’ingénieur du son et le laisse auditionner les chanteurs. Lee Perry enregistre en 1963 son premier single, le morceau de ska – courant musical alors très en vogue – « Chicken Scratch ». Cette chanson sera à l’origine de son surnom « Scratch » désormais inséré entre son prénom et son nom. Après s’être brouillé avec Coxsone Dodd, il enregistre en 1968 chez Joe Gibbs – autre producteur en vue sur l’île – « The Upsetter » – titre que l’on pourrait traduire par « l’emmerdeur » ou « le dérangeur », et qui deviendra un autre de ses surnoms, le nom de son label ainsi que celui du groupe qu’il forme alors (The Upsetters) avec certains des meilleurs musiciens de l’île comme la section rythmique Aston Barrett (basse) et Carlton Barrett (batterie).
Les expérimentations audacieuses de Lee « Scratch » Perry – boucles, samples, effets qui préfigurent certaines techniques de djiing utilisées dans le hip-hop et dans le trip-hop – vont faire sa réputation. Il les développe notamment à travers sa collaboration, déterminante, avec Bob Marley et les Wailers entre 1969 et 1971. Alors que ces derniers, comme la plupart des artistes jamaïcains, sont très marqués par la soul américaine, Perry va « réintroduire l'Afrique dans la musique jamaïcaine. Non seulement la pluralité rythmique, mais aussi la résonance culturelle et philosophique », comme le souligne le journaliste musical Francis Dordor. Le producteur accumule les succès et, avec l’argent qu’il gagne, installe en 1973 son propre studio dans le jardin de sa maison. Du studio Black Ark sortiront, entre 1974 et 1979, des albums phare de l'âge d'or du reggae, dont War In a Babylon (Max Romeo), Super Ape (The Upsetters), Police And Thieves (Junior Murvin), Heart of the Congos (The Congos). Après la destruction en 1983 de son studio dans un incendie, Lee Perry s’exile en Angleterre puis s’installe, en 1989, en Suisse. Sa carrière redémarre dans les années 1990. Il collabore avec les Beastie Boys et remonte sur scène aux États-Unis après plus de quinze ans d’absence. Le producteur anglais Adrian Sherwood, créateur du label On-U Sound, l’un de ses admirateurs rencontré lors de son exil[...]
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Écrit par
- Patrick LABESSE : journaliste
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