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LÉGENDES DE LA FORÊT VIENNOISE, Ödön von Horváth Fiche de lecture

Cette « pièce populaire en trois parties » de l'Autrichien Ödön von Horváth (1901-1938) fut écrite en 1930-1931, et créée le 2 novembre 1931 au Deutsches Theater de Berlin. Elle y remporta un triomphe, dans une mise en scène de Heinz Hilpert, avec notamment Carola Neher et Peter Lorre. Publiée la même année, elle valut à son auteur le prix Kleist, la plus haute distinction littéraire de l'époque. Elle souleva aussi des critiques virulentes : la presse viennoise lui reprocha de donner une image faussée de l'Autriche, l'extrême droite et les nazis de ridiculiser les patriotes allemands. De fait, la pièce est une mise en garde contre le fascisme qui imprègne insidieusement les esprits.

Horváth écrit en exergue : « Rien ne donne autant le sentiment de l'infini que la bêtise. » Il casse l'image d'une Autriche idyllique pour montrer la brutalité individuelle et collective qui se cache derrière une façade d'opérette (la pièce est ponctuée d'extraits musicaux célèbres).

La violence des sentiments

L'action se déroule à Vienne dans les années 1920. Marianne, la fille du marchand de jouets Roimage, doit épouser son voisin, le boucher Oscar. Le jour où vont être annoncées leurs fiançailles au cours d'un pique-nique dans la forêt viennoise, elle s'éprend d'Alfred. Individu douteux qui joue aux courses, celui-ci est entretenu par la buraliste Valérie, âgée d'une cinquantaine d'années. Marianne croit avoir rencontré le grand amour, et elle s'enfuit avec Alfred.

Au bout d'un an leur situation matérielle est déplorable. Alfred reproche amèrement à la jeune femme d'avoir gâché sa vie, et l'oblige à placer à la campagne chez sa mère et sa grand-mère l'enfant né de leur union. Répudiée, sans aucun soutien, Marianne accepte de se produire nue dans un cabaret. Le scandale éclate lorsque son père vient y passer une soirée accompagné d'un Américain d'origine viennoise et de Valérie, qui se console du départ d'Alfred avec Éric, un étudiant en droit proche des nationalistes allemands. Désemparée, Marianne tente de voler de l'argent à l'Américain. Celui-ci la dénonce et elle est incarcérée.

Une fois libérée, elle se réconcilie avec son père. Son fiancé lui pardonne, tandis que Valérie reprend sa liaison avec Alfred. Tout semble revenu au point de départ. Mais l'enfant est mort à la suite d'une négligence volontaire de la grand-mère. Marianne s'effondre et s'insurge contre Dieu et le monde : « Un jour j'ai demandé à Dieu ce qu'il voulait faire de moi... Il ne me l'a pas dit, autrement je ne serais plus là... Il ne m'a d'ailleurs rien dit du tout. Il voulait me faire une surprise... Pouah ! » Oscar peut désormais épouser sa fiancée d'autrefois. Sa dernière phrase sonne comme une menace : « Je te l'ai dit un jour, Marianne, tu n'échapperas pas à mon amour. » Tandis qu'il emporte sa victime, « l'air est plein d'harmonies comme si un orchestre céleste jouait Légendes de la forêt viennoise de Johann Strauss ».

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Écrit par

  • : professeur au département des arts du spectacle à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-la Défense, traducteur, dramaturge

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