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LÉGENDES DE LA FORÊT VIENNOISE, Ödön von Horváth Fiche de lecture

De la pièce populaire au drame social

Cette œuvre est un des textes dramatiques de Horváth les plus représentatifs du genre de la pièce populaire (Volksstück). L'auteur écrit à ce propos : « ... j'ai dans l'idée la continuation, le renouvellement du vieux théâtre populaire, d'un théâtre qui parle des problèmes de la manière la plus populaire possible, des questions qui préoccupent le peuple, ses soucis simples, vus avec les yeux du peuple ». Dans la tradition viennoise, le Volksstück a comme personnages les « petites gens », et présente sur un mode comique des actions privées, avec une fin heureuse. Avec Horváth, il prend un caractère plus engagé en montrant l'aliénation de la classe moyenne. L'auteur s'emploie ainsi à dévoiler la réalité sous les apparences et à démasquer l'idéologie petite-bourgeoise comme fausse conscience.

Ce dévoilement se manifeste d'abord au niveau des personnages. Horváth rompt avec la notion traditionnelle du héros maître de lui-même, et met en scène des êtres déterminés par leur situation sociale et par les modes de pensée et de comportement qu'elle induit. Ils ignorent les motifs profonds de leurs actes. Bien qu'ils soient attachés aux valeurs morales établies, ils dérapent constamment. Dans les dialogues, le non-dit se profile derrière des propos en apparence insignifiants. Les personnages parlent une langue d'emprunt (que Horváth nomme « jargon de la culture »), faite de lieux communs, de sentences, de citations, de maximes, de formules tautologiques : une rhétorique ampoulée qui ne leur appartient pas, mais grâce à laquelle ils croient pouvoir donner le change aux autres et à eux-mêmes. Cependant, régulièrement, des expressions triviales ou des mots grossiers leur échappent. Ce jargon est un masque qui colle mal au visage.

Si une pièce comme Légendes de la forêt viennoise peut donner au spectateur le sentiment d'assister à « une tranche de vie », l'ironie casse le réalisme en introduisant une distance. Horváth ne cherche pas simplement à montrer la vie quotidienne de petits commerçants viennois, engoncés dans les préjugés et menacés par la crise économique, mais invite le spectateur à porter un jugement sur leurs comportements. Au fil de l'action les belles apparences s'effondrent. Seule Marianne, la fille-mère, la voleuse, est sincère. Elle évolue au cours de la pièce : la petite-bourgeoise naïve devient une figure presque tragique, qui accepte en toute conscience le destin qui l'attend.

— Jean-Louis BESSON

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Écrit par

  • : professeur au département des arts du spectacle à l'université de Paris-Ouest-Nanterre-la Défense, traducteur, dramaturge

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