ANTITRUST LÉGISLATION
Le développement économique des États-Unis s'est accompagné, dès le dernier quart du xixe siècle, d'une tendance à la concentration des entreprises industrielles, commerciales et financières, parfois réalisée au moyen d'opérations brutales, voire frauduleuses. Cette situation a incité le législateur américain à intervenir pour protéger la libre concurrence. En 1890, le Congrès adopte la loi Sherman qui déclare illégaux tous contrats, combinaisons ou conspirations tendant à restreindre le commerce entre les États et avec l'étranger, et délictueuse toute tentative de monopolisation de ce commerce.
La loi Sherman n'eut qu'un succès limité et les opérations qu'elle prétendait interdire se multiplièrent, en particulier après l'affaire Knight en 1895, les tribunaux ayant jugé qu'une entente entre fabricants groupant 90 p. 100 de la production du sucre ne constituait pas une infraction parce qu'elle portait sur des activités industrielles et non commerciales. Par contre les jugements rendus en 1911 contre la Standard Oil et l'American Tobacco Company contribuèrent à freiner la tendance à la création de monopoles, les mœurs des grandes entreprises s'étant entre-temps adoucies. En 1914, sous la présidence de Wilson qui avait proclamé le principe d'une « nouvelle liberté » de l'économie, la loi Clayton interdit les discriminations de prix, les achats d'actions d'une société par une autre, la nomination d'administrateurs communs à des sociétés dont la somme des capitaux dépasse un million de dollars, les contrats interdisant à un client de faire appel à la concurrence ; en même temps, cette loi exempte de ses propres dispositions les activités des syndicats ouvriers, et légalise le droit de grève, en vertu du principe que « le travail humain n'est pas une marchandise ». La grande crise de 1929 mit fin à une vague de fusions et de concentrations qui avait pu franchir le réseau des lois Sherman et Clayton à la faveur de la prospérité générale, et la politique du New Deal, inaugurée en 1933 sous la présidence de Franklin Roosevelt, renforça l'action antitrust. Ce qui n'empêcha pas, en 1946, le département de la Justice de souligner la gravité croissante du problème des monopoles.
La législation antitrust n'a pas cessé de manifester son existence et de voir son efficacité souvent mise en cause et parfois en défaut à l'occasion d'un certain nombre de procès, inégalement célèbres, portant sur des sujets très divers. En 1972, la compagnie Ford fut condamnée pour avoir indûment augmenté le prix de ses voitures et une action fut intentée contre plusieurs réseaux de radiodiffusion et de télévision accusés de combinaison et de monopolisation des programmes au mépris de la libre concurrence ; la même année, la Cour suprême des États-Unis confirmait un arrêt de 1922 exemptant des lois antitrust les équipes professionnelles de base-ball, cependant que celles de basket-ball se voyaient accuser de monopolisation. En 1972 encore, un journaliste incrimina la division antitrust du département de la Justice pour avoir, l'année précédente, renvoyé trois procès invoquant les lois antitrust contre l'International Telephone and Telegraph Company (I.T.T.), moyennant une promesse faite par cette dernière de participer pour 400 000 dollars aux frais de la Convention républicaine nationale de San Diego. Un des effets économiques de la législation antitrust est de favoriser les activités de nombreux hommes de loi qui se sont spécialisés dans l'étude de ses incidences sur les projets d'expansion des entreprises, ainsi que dans la rédaction appropriée des actes relatifs à ces opérations.
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Écrit par
- Georges BLUMBERG : licencié en droit, diplômé de l'École nationale des langues orientales vivantes, professeur à la faculté libre, autonome et cogérée d'économie et de droit, Paris
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