LENCLOS ANNE dite NINON DE (1616-1706)
Courtisane française, célèbre par sa beauté (mais c'est déjà la légende qui parle, il faudrait dire sans doute son « agrément » ou son « charme ») et par son esprit, Ninon de Lenclos décide très jeune de vivre indépendante comme un homme. Elle a dès lors « des galans en assez bon nombre » (Tallemant des Réaux), pour une nuit ou pour trois mois, parfois plus longtemps (Villarceaux) ; parmi eux des noms très connus : un Coligny, le maréchal d'Albret, le Grand Condé, le maréchal d'Estrées, un La Rochefoucauld, le chevalier de Sévigné, Gourville, Huygens... Ninon choisit ses amants (Tallemant raconte qu'on distinguait les « payeurs », les « martyrs » et les « favorys »), reste exclusivement fidèle à l'élu tout le temps que dure la liaison, quitte vite, et plus souvent qu'on ne la quitte — et demeure « toujours l'amie de ses anciens amants » (Voltaire). Saint-Évremond lui a enseigné un épicurisme qui associe à une parfaite absence de préjugés un sens très exigeant de l'honnêteté. Le charme qu'exerce cette « fille de mauvaise conduite et de bonne compagnie » (Saint-Foix), ses qualités, auxquelles on se plaît à rendre hommage, lui valent une espèce de souveraineté mondaine : elle réunit dans son salon, et cela jusqu'à un âge très avancé, une société brillante où l'on retrouve côte à côte grandes dames et libertins notoires, écrivains, artistes et ducs ; elle finit, en dépit des persécutions des dévots, par acquérir « de la réputation et une considération tout à fait singulière » (Saint-Simon). Si le mythe s'est emparé du personnage de Ninon, celle-ci n'en tient pas moins dans l'histoire des idées une place qui n'est pas négligeable : elle a été, comme on l'a dit, entre le xviie et le xviiie siècle, un puissant agent de ... liaison, non seulement parce qu'elle a retenu les leçons de Montaigne et encouragé les débuts de Voltaire, mais encore parce qu'elle est placée au carrefour de tous ces courants du libertinage — libertinage mondain, libertinage érudit, libertinage politique — qui préparent le siècle des Philosophes. Il n'est pas indifférent qu'une femme, à la fin du xviie siècle, ait tenu ce rôle.
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Écrit par
- Bernard CROQUETTE : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-VII
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