LENS
Installée au cœur de l'ancien bassin minier, dont on ne peut la dissocier, Lens, 33 370 habitants en 2012 (et plus de 500 000 habitants pour l'agglomération), est la plus peuplée et la plus animée des villes minières du Pas-de-Calais. Grâce aux exploits de son équipe de football, elle est devenue la plus célèbre et la plus représentative des quelque cent trente communes agglutinées dans l'énorme nébuleuse urbaine et industrielle qui recouvre l'ancien gisement de charbon.
La fermeture de la dernière fosse, en 1991, a mis fin symboliquement à près d'un siècle et demi « d'épopée minière », mais l'abandon de l'exploitation avait commencé trente ans plus tôt, et la mutation du territoire était déjà largement entamée. C'est vers 1850 que l'on avait découvert le gisement houiller du Pas-de-Calais, prolongeant celui du Nord jusqu'au-delà de Bruay. Trente ans après, ce gisement assurait à lui seul plus de la moitié de la production nationale de charbon. Toutefois, la domination extrême de la mine devait rendre très difficile la reconversion un siècle plus tard.
La croissance de la population fut spectaculaire. Lens, par exemple, est passée de 2 500 habitants au milieu du xixe siècle à 32 000 habitants à la veille de la Première Guerre mondiale, Liévin de 2 000 à 25 000, Bruay-en-Artois de 1 500 à 20 000, etc. L'industrialisation s'appuya sur les migrations intra-départementales, transférant le mode de vie rural de l'Artois dans ce nouvel espace où chevalements, terrils et autres emprises industrielles, corons (alignements d'étroites maisons identiques et accolées) et cités (leur variante plus moderne et plus aérée) s'imbriquaient inlassablement et anarchiquement, au gré de la géologie et du percement des puits de mine, sans tenir compte de la trame territoriale préexistante. Rien à voir avec un vrai tissu urbain : chaque cité constituait en soi une unité de vie cohérente, sans guère d'ouverture sur l'extérieur.
La Grande Guerre fut une épreuve terrible pour le bassin. Sa partie la plus orientale fut soumise à une occupation implacable et à un pillage économique total par les Allemands. Sa partie centrale fut traversée par le front (près de 350 000 soldats y trouvèrent la mort) et presque toutes ses villes, dont Lens et Liévin, ont été anéanties ; sa partie occidentale, restée aux mains des Français, fut soumise à une intense surexploitation qui se poursuivit après guerre, car c'était la seule partie du gisement à demeurer opérationnelle. La récupération démographique fut difficile et il fallut recourir cette fois à de la main-d'œuvre étrangère, essentiellement polonaise. Dans l'urgence, on ne soigna pas plus la reconstruction des villes que celle de l'outil industriel, vieillissant. Les bombardements de la Seconde Guerre mondiale n'arrangèrent rien mais l'après-guerre amena une réelle embellie avec la nationalisation et la modernisation des charbonnages.
Le combat du charbon ne fut gagné qu'au prix de la santé des mineurs. La production atteignit un niveau record au début des années 1950, juste avant que ne commence le déclin irréversible d'une activité jugée insuffisamment compétitive, à cause de la morphologie du gisement et de l'épuisement des réserves. L'abandon de l'extraction laissa le pays minier en état de choc pour une génération. Ce n'étaient pas seulement 200 000 emplois qui disparaissaient mais aussi le mode de vie qui animait des centaines de cités. Les industries de reconversion implantées sous l'impulsion des pouvoirs publics, comme la Française de mécanique (moteurs pour automobiles) à Douvrin en 1969, n'ont jamais créé le volume d'emplois escompté. Néanmoins, malgré un grave chômage et une intense émigration des jeunes actifs, la population diminua peu (environ –45 000 habitants entre[...]
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Écrit par
- Pierre-Jean THUMERELLE : professeur des Universités, université des sciences et technologies de Lille (Lille-I)
Classification
Média