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STRAUSS LEO (1899-1973)

Né à Kirchhain dans la Hesse en Allemagne, Leo Strauss fut élevé comme juif orthodoxe et reçut par ailleurs l'éducation du Gymnasium. Il fit ses études aux universités de Marbourg et de Hambourg. Après son doctorat consacré à Jacobi, il passa une année à Fribourg, où Husserl enseignait, tandis que Heidegger était son assistant. En 1932, il quitta l'Allemagne, vécut à Paris et à Cambridge jusqu'en 1938, date de son installation définitive aux États-Unis. Professeur à la New School for Social Research jusqu'en 1949, il partit alors pour l'université de Chicago, où il enseigna jusqu'en 1968. Il acheva sa carrière comme professeur honoraire au Claremont Men's College et au Saint-John's College à Annapolis dans le Maryland, où il mourut le 18 octobre 1973. La biographie de Leo Strauss paraît donc tenir dans une vie d'universitaire consacrée à la conversation avec les grands esprits de la tradition. Mais derrière le masque de l'érudition, on perçoit une question inactuelle : face à l'expérience moderne de la tyrannie, qu'est-ce qu'un mode de vie philosophique ?

Une première précaution négative s'impose à l'interprète : il lui faut éviter de traiter Leo Strauss en imprésario ou en « dompteur de lions ». C'est dire que, si l'on ne peut ranger, sans lui faire violence, sous des catégories telles que « libéral », « conservateur », un penseur qui a bouleversé ces catégories mêmes ou qui en a renouvelé le sens, on ne peut pour autant se contenter de proclamer l'originalité d'une pensée qui n'a que défiance pour cette valeur typiquement moderne. Penseur rare et difficile, Leo Strauss est peut-être avant tout un « maître » dont il nous faut, malgré l'éloignement qui est le nôtre, tenter d'écouter patiemment la leçon. Un maître dont l'autorité inactuelle, à la recherche de l'excellence, contient, pour qui accepte de fréquenter avec lui les livres de la tradition et de prêter l'oreille à la conversation des grands esprits, la promesse de deux qualités inhérentes à l'acte de penser, la modestie et l'audace. « L'éducation libérale délivre de la vulgarité. Les Grecs avaient une belle expression pour désigner la vulgarité : ils l'appelaient apeirokalia, le manque d'expérience des belles choses. L'éducation libérale donne accès à l'expérience des belles choses » (Liberalism Ancient and Modern, New York, 1968).

Un philosophe politique

Quiconque avoue, face à la prise en charge par les sciences de la politique dans les États modernes et face à l'expérience totalitaire de notre temps, qu'une des tâches de la pensée consiste à redécouvrir le politique, à le repenser dans sa consistance propre et dans son rapport au philosophique ne peut faire l'économie d'une confrontation avec l'œuvre de Leo Strauss. Lire les textes de Strauss apprend à discerner les contours, à repérer les positions des noms qui ponctuent la tradition ou la bouleversent, apprend à percevoir, par-delà le passage par cette même tradition, la présence d'une interrogation récurrente qui porte sur la possibilité d'une interrogation philosophique dans le domaine politique contemporain. Sous le couvert de l'érudition et de l'histoire de la pensée politique, Strauss énonce les deux questions constitutives, selon lui, de la philosophie politique : quelle est, en vérité, la nature des choses politiques ? quel est le meilleur régime politique, l'ordre politique juste et bon ?

Si toute philosophie peut s'appréhender comme une scène, l'énoncé même de ces deux questions délimite déjà l'espace de pensée ouvert par Strauss et les protagonistes qu'il choisit d'affronter. Il mène un combat sur plusieurs fronts dont les enjeux sont au cœur de la crise de notre temps.[...]

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Écrit par

  • : agrégé de science politique, professeur émérite de philosophie politique à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot
  • : professeur de philosophie en classes préparatoires, Paris

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