ALBERTI LEON BATTISTA (1404-1472)
Rares sont les domaines que Leon Battista Alberti n'a pas abordés. Homme de lettres, défenseur de la langue italienne, moraliste, mathématicien, mais surtout théoricien de l'art et architecte, ce parfait humaniste s'est acquis dès la Renaissance une réputation universelle. Ses ouvrages sur les arts figuratifs et l'architecture constituèrent les premiers traités des Temps modernes, ses projets d'édifices créèrent un nouveau langage architectural, synthèse hardie de l'Antiquité et d'une modernité déjà mise en œuvre par Filippo Brunelleschi. Très vite Alberti devint un maître : moins d'un siècle après sa mort, il restait une autorité, et Vasari, dans la première édition des Vies, rendit hommage au « Vitruve florentin ». L'œuvre d'Alberti, si diverse soit-elle, est sous-tendue par les mêmes valeurs : responsabilité de l'homme devant son destin, pouvoir de la vertu, foi dans le pouvoir créateur de l'esprit humain, ce qui n'exclut pas un certain pessimisme lié aux vicissitudes de sa propre existence et à la fréquentation des cours princières et pontificale.
Une figure de la Renaissance italienne
Le destin de ce Toscan de souche l'amena à connaître une bonne partie de l'Italie. Second fils naturel de Lorenzo di Benedetto Alberti, patricien de Florence, et de Biancha Fieschi, Leon Battista est né le 14 février 1404 à Gênes, en Ligurie, où son père s'était réfugié après un décret de proscription rendu contre sa famille. Le jeune homme étudia dans le nord de l'Italie, à Venise, à Padoue puis à Bologne. Il y étudia le latin et le grec, ainsi que le droit (il obtint en 1428 le titre de laureato en droit canonique), mais entreprit aussi des études de physique et de mathématique dont témoignent ses écrits scientifiques ultérieurs. À vingt-quatre ans, il put retourner à Florence, où avait été levé l'avis de bannissement pris à l'encontre de sa famille. Entre 1428 et 1432, selon certains biographes, il aurait accompagné en France et en Allemagne le cardinal Albergati, mais cette hypothèse est peu fondée. Ses premiers écrits datent de cette époque et touchent à la littérature : une comédie en latin, Philodoxeos (1424) ; un traité, De commodis literarum atque incommodis (1428-1429) ; un Amator (vers 1428). En 1432 (et peut-être même dès 1431), il partit pour Rome où l'appelaient ses nouvelles fonctions d'abréviateur des lettres apostoliques à la chancellerie pontificale. Grâce aux libéralités d'Eugène IV, qui annula l'interdiction l'empêchant de recevoir les ordres sacrés et, partant, de jouir de bénéfices ecclésiastiques, Alberti fut enfin délivré des tracasseries financières qui avaient tourmenté sa jeunesse. À la cour papale, il put fréquenter les humanistes les plus remarquables. Il étudia les ruines romaines et se livra à des expériences d'optique. À cette même époque, il conçut les deux premiers livres de son ouvrage Della famiglia. De retour à Florence en 1434 avec la suite d'Eugène IV, qui fuyait Rome, il retrouva l'élite artistique de la cité, et formula les principes théoriques de la nouvelle expression artistique dans le De pictura (1435). Il composa à la même époque les Elementi di Pittura, dont il donna une traduction latine, et un bref traité sur la sculpture, De statua, tout en continuant à travailler à son ouvrage consacré à la famille. Les quatre livres de ce traité (le dernier date de 1440), son œuvre la plus célèbre en italien, concernent l'éducation des enfants, la famille, l'amour et l'amitié. Selon Alberti, le bonheur ne peut être atteint que dans le parfait équilibre entre l'individu et la société et, à travers elle, la famille. Ses fonctions officielles auprès d'Eugène IV l'amenèrent à se rendre aussi à Bologne (1436), à Pérouse (1437), à Ferrare (1438) où se réunit le[...]
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Écrit par
- Frédérique LEMERLE : chargée de recherche au C.N.R.S., centre d'études supérieures de la Renaissance, Tours
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