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ALBERTI LEON BATTISTA (1404-1472)

Humanisme et architecture : le théoricien

Alberti a défini en théorie le nouvel idéal artistique de la Renaissance : son De pictura, rédigé en latin et traduit en italien par Alberti lui-même, qui le destinait aux artistes (la version italienne est d'ailleurs dédiée à Brunelleschi), exposait la théorie de la perspective qui venait de déclencher une révolution dans la peinture florentine. Dans le De statua, il développa une théorie des proportions fondée sur l'observation des mensurations du corps de l'homme, conforme à la pratique de Ghiberti, Michelozzo et Donatello.

Mais l'architecture était à ses yeux l'art par excellence, celui qui contribue le mieux à l'intérêt public, la forme supérieure du Bien. Dans les années 1440, à la demande de Lionello d'Este, Alberti entreprit un commentaire du De architectura de Vitruve. Devant l'obscurité et les incohérences du texte, il décida de réécrire lui-même un traité d'architecture, inspiré certes de l'architecte romain, mais adapté aux nécessités et aux mentalités modernes. Le De re aedificatoria, divisé en dix livres comme le traité vitruvien, est le premier traité d'architecture de la Renaissance, et son auteur fut cité par des humanistes, tel Rabelais (Pantagruel, chap. vii), à l'égal non seulement de Vitruve, mais aussi d'Euclide ou d'Archimède. Dans l'Introduction de l'ouvrage, Alberti aborde le rôle de l'architecture dans la vie sociale. Les trois premiers livres techniques sont consacrés respectivement au dessin, aux matériaux, aux principes de structure. Dans les livres IV à X, Alberti traite de l'architecture civile : choix du site, typologie des édifices civils, publics et privés. Sa cité idéale a un plan rationnel, avec des édifices régulièrement disposés de part et d'autre de rues larges et rectilignes. Cette nouvelle conception de l'urbanisme, en rupture avec les pratiques médiévales, est liée sans doute à l'essor sans précédent de la cité-république. Alberti reprend la plupart des thèmes abordés par Vitruve. L'architecture repose, pour lui, sur les mêmes principes de firmitas (solidité), utilitas (utilité), venustas (beauté). Il accorde une place importante au decorum et développe la définition de la beauté donnée par l'architecte romain : elle est une sorte d'harmonie et d'accord entre toutes les parties qui forment un tout construit selon un nombre fixe, une certaine relation, un certain ordre, ainsi que l'exige le principe de symétrie, qui est la loi la plus élevée et la plus parfaite de la nature (livre IX, chap. v).

Le De re aedificatoria est aussi le premier texte moderne à parler clairement des ordres d'architecture. La notion d'ordre n'est pas encore bien précise pour l'humaniste ; certes, il traite successivement des bases, des chapiteaux et des entablements de chaque ordre, mais les formes décrites sont assez proches de celles qui deviendront canoniques aux siècles suivants. À partir des données vitruviennes souvent confuses, il détaille les éléments des ordres toscan, dorique, ionique et corinthien, ajoutant ou précisant quelques points (tracé du tailloir corinthien, volute ionique, base „corinthienne“ qu'il nomme ionique). Mais la grande nouveauté de sa conception des ordres est la perspective nationaliste : Alberti affirme la primauté de la nation étrusque, et donc des Toscans, en voyant dans l'ordre éponyme l'ordre le plus ancien. En outre, il est le premier à décrire le chapiteau composite qu'il nomme « italique » pour bien souligner qu'il s'agit d'une création italienne, et non grecque. L'influence du traité fut à la fois considérable et limitée. Considérable, car l'ouvrage fit de son auteur l'égal de Vitruve et, à ce titre, une référence obligée. Limitée, car sa publication tardive (1485) et surtout l'absence d'illustrations nuisit à sa[...]

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Écrit par

  • : chargée de recherche au C.N.R.S., centre d'études supérieures de la Renaissance, Tours

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Leon Battista Alberti - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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San Sebastiano, Mantoue - crédits :  Bridgeman Images

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