BLUM LÉON (1872-1950)
Le dirigeant socialiste
La guerre modifie cet itinéraire en le faisant vraiment entrer en politique. Réformé, le conseiller d'État est appelé pour diriger le cabinet de Marcel Sembat dans le gouvernement d'Union sacrée (1914-1916). Occasion de pratiquer la politique d'une nouvelle manière, celle de l'épreuve gouvernementale. Le socialisme français se divise alors à propos du pacifisme, puis surtout à propos des voies révolutionnaires qui se développent en Russie. L'influence de Blum grandit parmi les socialistes français du fait qu'il défend une position centriste entre la gauche de la SFIO, pacifiste, attirée par l'expérience bolchevique, et la droite du parti, jusqu'au-boutiste, gagnée par le goût du pouvoir. Élu député de la Seine en 1919, il devient le leader du groupe SFIO à la Chambre des députés.
Au Congrès de Tours, en décembre 1920, Blum fait une claire démonstration de sa logique politique au moment où la SFIO se brise entre ceux qui croient en l'aurore d'une ère nouvelle et ceux qui n'y croient pas. Défenseur de l'unité du parti, Blum montre la contradiction insurmontable entre les partisans du modèle bolchevique d'un parti dirigé d'en haut et ceux qui, comme lui, demeurent attachés à la démocratie interne dans le parti, même si la dictature du prolétariat s'impose pour faire triompher le socialisme. « Dictature exercée par un parti reposant sur la volonté des masses [...], mais pas une dictature exercée par un parti centralisé où toute l'autorité remonte d'étage en étage et finit par se concentrer entre les mains d'un comité patent ou occulte. » Le stalinisme était déjà dénoncé, avant terme.
À la fin de ce même discours, Blum utilise une phrase qui reste dans les esprits : « Nous sommes convaincus jusqu'au fond de nous-mêmes que, pendant que vous irez courir l'aventure, il faut que quelqu'un reste garder la vieille maison. » C'est signifier que le socialisme démocratique doit subsister, sinon le socialisme cessera d'exister. Sur le moment, la majorité de la SFIO ne suit pas Blum ; la minorité paraît « condamnée par l'histoire ». En fait, en quelques années, la SFIO maintenue (la majorité a créé la SFIC, adhérente de la IIIe Internationale) reprend l'avantage sur son adversaire communiste. Blum y contribue fortement sur deux plans ; remarquable journaliste du Populaire et chef écouté du groupe parlementaire, il détermine souvent les orientations doctrinales du parti, tout en conduisant les réactions quotidiennes de celui-ci face aux vicissitudes de la politique française. Ainsi, dans un discours prononcé à Belleville en 1926, il marque la différence entre « exercice du pouvoir » et « conquête du pouvoir ». « Si le déroulement des pratiques parlementaires nous appelle à exercer le pouvoir dans le cadre des institutions actuelles, nous devons le faire légalement, loyalement, sans commettre cette espèce d'escroquerie, qui consisterait à profiter de notre présence au gouvernement pour transformer l'exercice du pouvoir en conquête du pouvoir. »
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Écrit par
- René GIRAULT : professeur à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
Classification
Médias
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