LÉON, Bretagne
Rien n'est, en Bretagne, plus nettement individualisé que le pays léonard : ce peuple « sévère », de forte piété catholique, alliant le « puritanisme gallois » à la « démocratie cléricale », se distinguait du reste de la Basse-Bretagne et par son dialecte et par la faiblesse du rôle joué par le domaine congéable. Le pays léonard s'identifie avec l'ancien diocèse de Saint-Pol-de-Léon : 4 villes, 81 paroisses de campagne, 34 trêves, soit environ 200 000 habitants en 1789. À vrai dire, la principauté de Léon débordait largement l'évêché vers le sud, englobant l'essentiel de la région située au nord d'une ligne Quimper - Carhaix - Saint-Pol. L'entité est issue de l'évêché-abbaye de Saint-Pol, fondée en liaison avec le peuplement breton d'outre-Manche, qui atteint ici son maximum de densité de toponymes en « plou ». Le nom de Léon apparaît aux vie et viie siècles. Au xiiie siècle, le comté de Léon est réuni au duché par Jean Ier pour être, par la suite, possédé par des membres de la famille ducale, puis par les Rohan, en faveur desquels le comté fut érigé en principauté. Géographiquement, le Léon est un grand plateau bas, sectionné par l'Élorn ; au sud de celui-ci s'étend une région plus élevée, à l'intérieur de laquelle la cuvette de Sizun est évidée dans les quartzites. La fertilité des sols lœssiques se combine avec la douceur du climat côtier, pourtant venteux. La difficulté du passage maritime des caps a localisé, du moins du xive au xviie siècle, du raz de Sein à l'île de Batz, la partie littorale de la grande route maritime nord-sud, qui joignait l'Europe ibérique aux mers du Nord : d'où, pour un temps, l'importance de l'école cartographique du Conquet. Plus que les Cornouaillais spécialisés dans le trafic du vin bordelais, les Léonards ont été, à partir d'une vie maritime très dispersée, les « rouliers de la mer ». Au xve siècle, 40 p. 100 des navires bretons fréquentant les havres anglais sont léonards. Une précoce spécialisation, telle la culture des oignons, aboutit, dès le xve siècle, à une forte exportation vers l'Angleterre ; au xvie siècle, le Léon est l'une des principales régions de l'Europe productrices de papier. Surtout, la culture du lin et du chanvre, la fabrication des toiles, l'exportation de bovins vers les marchés parisiens font du Léon un pays de démographie à espérance de vie assez longue et de développement commercial singulier. L'économie est mise en question par les guerres de la fin du règne de Louis XIV ; la crise est en partie conjurée par la croissance rapide de Brest, ville de langue française installée en îlot « colonial », opposant ses 25 000 habitants aux 5 000 de Saint-Pol. Au xixe siècle, la marine royale continue à injecter irrégulièrement ses crédits. L'agriculture connaît un brillant essor. La noblesse, qui prélevait encore près de 50 p. 100 de la production agricole au xviiie siècle, disparaît presque totalement. L'élevage poulinier, combiné à la croissance exceptionnelle des cultures légumières de la région Roscoff - Saint-Pol, donne, un moment, une modernité incontestable, fût-ce à la microfundia côtière. En 1938, les foires de Morlaix, Saint-Thégonnec, Landivisiau vendaient, bon an mal an, 25 000 chevaux. En dépit de la Révolution, le xixe siècle marque l'apogée de la démocratie cléricale. De 1805 à 1967, le Léon fournit les deux tiers des prêtres séculiers du diocèse réputé le plus fécond en vocations sacerdotales de France. Mais cette structure religieuse commence à s'effondrer à partir des années 1950. Le Léon se trouve, depuis les années 1980, de plus en plus orienté par l'agglomération brestoise, dont il devient, après des siècles d'opposition plus ou moins accentuée, la grande[...]
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Écrit par
- Jean MEYER : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Rennes
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