DUGUIT LÉON (1859-1928)
Né à Libourne, en Gironde, d'un père juriste, Léon Duguit fit de brillantes études secondaires au collège de sa ville natale, puis entra à la faculté de droit de Bordeaux, où il fut reçu docteur à vingt-deux ans et agrégé l'année suivante.
Passionné de droit public, Léon Duguit enseigne alors à Caen puis à Bordeaux le droit constitutionnel et le droit administratif ; en 1919, il est élu doyen de la faculté de droit de l'université de Bordeaux, il garde ce titre jusqu'à sa mort. Parallèlement à sa carrière professorale, il s'engage dans l'action politique, mais avec moins de succès. Difficile à classer sur l'échiquier politique, il se réclame du courant « solidariste » de Léon Bourgeois, représenté aussi par Charles Gide et Émile Durkheim notamment. Après un premier succès à des élections municipales en 1908, il est mis en ballottage aux élections législatives de 1914 et ne se présente pas au second tour. Renonçant à la politique, il se consacre pour de nombreuses années à l'action sociale dans sa ville de Bordeaux.
Léon Duguit a surtout marqué son temps par ses écrits juridiques, tant pour la théorie générale du droit qu'en matière constitutionnelle et administrative. Il s'est d'abord situé par opposition aux tendances individualistes et subjectivistes qui étaient alors regardées comme l'unique approche des fondements du droit. Très influencé par Durkheim, Léon Duguit se présenta très vite comme le principal tenant de « l'école réaliste », selon laquelle le droit est un phénomène objectif, de nature évolutive. Aussi affirme-t-il qu'« il est impossible de démontrer le passage du droit subjectif au droit objectif et d'admettre l'antériorité du droit subjectif par rapport au droit objectif ».
Dans son Traité de droit constitutionnel (1911), il se déclare partisan du bicaméralisme et souhaite qu'une des chambres soit élue par les syndicats professionnels, idée qu'il développe notamment dans l'article intitulé « La représentation syndicale au Parlement » de la Revue politique et parlementaire de 1911. Duguit défend aussi le suffrage féminin. Enfin, il se déclare partisan d'un contrôle juridictionnel de la constitutionnalité des lois, non en instituant une cour spéciale, mais en permettant à toute personne de soulever directement l'exception d'inconstitutionnalité.
Dans la logique de sa théorie générale du droit, il défend la conception « matérielle » de la loi (disposition contraignante de caractère général et impersonnel) contre la conception « formelle » alors dominante (acte émanant du Parlement) ; en outre, il distingue les lois dites « normatives », qui sont très peu nombreuses et imposent à tout homme vivant en société une certaine abstention ou une certaine action, et les lois « constructives », qui ne font sur un plan technique qu'assurer l'application des premières.
Mais c'est dans le domaine du droit administratif que l'apport de Duguit est le plus important. Il a élaboré un véritable corps de doctrine qu'il a exposé principalement dans Les Transformations du droit public (1913). Selon lui, la puissance publique doit être conçue comme « devoir fonctionnel », c'est-à-dire comme un ensemble d'obligations, conception qui a des incidences sur les principaux secteurs du droit administratif (notamment recours contentieux, statut des collectivités locales et des établissements publics). La contribution de Duguit et de ce qu'on a appelé l'« école de Bordeaux » consiste pour l'essentiel dans une théorie de la responsabilité et du service public. Il a introduit l'idée, aujourd'hui généralement acceptée, selon laquelle le fondement de la responsabilité des personnes morales de droit public réside dans une « responsabilité du fait d'autrui », en cas de préjudice causé par[...]
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Écrit par
- Christine BARTHET : licenciée en droit, diplômée de l'Institut d'études politiques de Paris
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