SCHWARTZENBERG LÉON (1923-2003)
Cancérologue français, Léon Schwartzenberg est né le 2 décembre 1923 à Paris et mort le 14 octobre 2003 à Villejuif (Val-de-Marne). À l'âge de vingt ans, il s'engagea dans la Résistance, dans les maquis des corps francs. Volontaires à ses côtés, ses deux frères cadets y perdront la vie, déportés à Mauthausen. Pour avoir de si près côtoyé la mort, titulaire de la médaille militaire, de la médaille de la Résistance, de la croix de guerre 1939-1945, Léon désormais n'aura plus peur de rien, en tout cas pas du jugement de ses contemporains.
En 1959, il était attaché au service d'hémobiologie de l'hôpital Saint-Louis quand Georges Mathé osa pour la première fois, à l'hôpital Paul Brousse de Villejuif, tenter une greffe de moelle osseuse. Des ingénieurs yougoslaves brûlés par des radiations atomiques étaient victimes d'une leucémie. Il leur fallait un donneur, ce fut Léon qui s'offrit. Il y contracta par transfusion l'hépatite virale qui, bien plus tard, devait l'emporter. Dès 1971, il fut nommé professeur à l'Institut de cancérologie et d'immunogénétique de Villejuif. Son atout principal, qu'il exprimera tout au long de sa vie, jusqu'à l'excès parfois, était la compassion. Elle lui permettait d'écouter et d'entendre, de partager la souffrance. Le cœur pourtant ne chassait pas la raison et les protocoles innovants de traitement des cancers digestifs furent de son invention. Ils ne lui furent que maigrement reconnus car, déjà inclassable et par conséquent contesté, il était convenable de ne pas le prendre au sérieux.
Il provoqua, souvent à son insu. Engagé jusqu'au bout des ongles, car c'était sa nature, il fit la guerre à toutes les injustices qui rongent les sociétés. Pour mieux vaincre les maladies sociales, il tenta de s'armer et crut pouvoir puiser sa force dans les marigots de la politique. Il fut ainsi un très éphémère ministre de la Santé du second gouvernement Rocard en 1988, ne demeurant que neuf jours au pouvoir, pas plus, record battu, on en glosa beaucoup. Il était trop sincère, voire trop candide ; ainsi quand il demandait de déclarer obligatoire le dépistage de l'infection VIH pendant la grossesse. Puisqu'il existait un traitement réduisant la transmission du virus, il eût été normal, estimait-il, de protéger l'enfant à naître. Aujourd'hui la sérologie VIH est proposée à toutes les femmes enceintes et la transmission verticale du virus au fœtus devenue, en France, quasi marginale. La prévention atteignit au blasphème quand il s'agit de dépénaliser la drogue, d'en faire une maladie et non plus un délit. Poussé dehors, le candide démissionna. Il ne renonça pas pour autant. Député européen de 1989 à 1994 sur une liste malgré tout socialiste, il fut, en 1992, élu conseiller régional des Alpes-Maritimes en tête de la liste Énergie Sud pilotée par Bernard Tapie. Mais là encore le siège se déroba. Sorti vainqueur de son duel contre le Front national, il fut trahi par ses comptes de campagne, et démis de son mandat.
À cette époque, la guerre faisait rage en Bosnie dans une relative indifférence internationale. En grand imprécateur pourfendeur de la forfaiture, il se fit l'emblème d'une liste des consciences, « l'Europe commence à Sarajevo ». Non soumise au vote, celle-ci ne put mesurer son audience. Mais elle remua l'opinion.
L'opinion, voilà celle qui fut en vérité la vraie fiancée de Léon Schwartzenberg. Il lui fit la cour toute sa vie, fasciné par le pouvoir des médias. On dit qu'il fut un peu cabot, qu'il aurait voulu être acteur, que sur les écrans des télévisions il jouait du grand bleu de ses yeux et de la raucité de sa voix, qu'avec sa belle tête de pénitent pathétique il excellait à faire pleurer Margot. Et qu'il en abusait aussi, cherchant dans les causes[...]
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Écrit par
- Jacques MILLIEZ : professeur à l'université de Paris-VI, chef du service de gynécologie obstétrique, hôpital Saint-Antoine
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