WALRAS LÉON (1834-1910)
Portée de l'œuvre de Walras
Bien que, de son aveu même, Walras ait peu pratiqué la différenciation et l'intégration, c'est en recourant, comme l'avait indiqué Cournot, aux relations fonctionnelles et à l'analyse, qui consiste « à assigner des relations déterminées entre des quantités dont les valeurs numériques et même les formes algébriques sont absolument inassignables » (Recherches), qu'il parvint à faire passer dans le domaine de la mathématique élémentaire la théorie de l'équilibre ainsi débarrassée de « toute littérature vague ». Aussi peut-on le considérer comme un des fondateurs de l'économie mathématique. Or, on a très fréquemment contesté, non seulement que les mathématiques lui aient été de quelque utilité, mais aussi qu'elles aient pu jouer un rôle quelconque dans la formation de sa conception de l'équilibre. On observera simplement que c'est dans les Éléments de statique de L. Poinsot, qu'il lut en 1853, et très précisément dans le chapitre II intitulé : « Des conditions d'équilibre exprimées par des équations », qu'il a trouvé (lettre du 23 mai 1901) l'idée d'un système d'équations définissant l'équilibre général. Quoi qu'il en soit, en affirmant que tous les phénomènes économiques se déterminent ensemble et réciproquement, Walras a déplacé l'axe de la science économique dont le but, dès lors, ne fut plus de rechercher les causes des phénomènes mais de déterminer les conditions de leur équilibre global.
Malgré les critiques qu'on a pu adresser à Walras, et dont la plupart portent sur le caractère statique de sa construction que ne suffit pas à dynamiser, comme il le pensait, la réintroduction du facteur « temps », c'est sa formulation mathématique des conditions de l'équilibre économique, l'apport le plus original de l'école de Lausanne, qui est au cœur des systèmes néo-classiques de Wicksell à Hicks. La notion de l'« interdépendance générale », dont l'originalité est manifeste par rapport à l'idée de solidarité des classiques, et celle, qui lui est intimement liée, des « tâtonnements successifs », qui peut être, selon L. H. Dupriez, toute la théorie des mouvements établissant la cohérence du système économique tendant vers l'équilibre sans le réaliser, ont encore une grande importance. En effet, c'est par le biais de ces notions que les schémas modernes de programmation, inaugurés par les modèles du type Léontief, ainsi que la théorie d'une zone d'équilibre réalisable dans les modèles de croissances non équilibrées construits par Hirschman et Jan Tinbergen se réfèrent encore à la conception walrassienne de l'équilibre, soit pour lui donner un contenu opérationnel, soit pour la « réobjectiviser » et l'intégrer à la théorie des marchés. C'est dire l'intérêt du principe de mutuelle dépendance qu'il revient à Pareto, le successeur de Walras à l'université de Lausanne, d'avoir étendu aux phénomènes sociaux.
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Écrit par
- Bernard VALADE
: professeur à l'université de Paris-V-Sorbonne, secrétaire général de
L'Année sociologique
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