LÉON XIII (1810-1903) pape (1878-1903)
Léon XIII, qui fut à la tête de l'Église catholique durant le dernier quart du xixe siècle, était, malgré ses limites, un homme supérieur, et si sa politique n'a pas toujours été aussi géniale que certains l'ont affirmé, elle lui a toutefois permis de rendre au Saint-Siège, fort discrédité à la mort de son prédécesseur Pie IX, une autorité morale considérable et, par là, « une puissance politique effective supérieure au pouvoir officiel qu'il avait perdu » (C. Seignobos). Son pontificat marque un tournant dans l'histoire de l'Église catholique qui semblait naguère à contre-courant des aspirations culturelles, sociales et politiques du temps. Bien que, dans une série de domaines importants, il reste en continuité, beaucoup plus qu'on ne le dit habituellement, avec les préoccupations dominantes du pontificat précédent, ce pontificat de Léon XIII apparaît aux yeux de l'historien comme riche de possibilités qui commencèrent alors à mûrir pour s'actualiser peu à peu au cours des décennies ultérieures.
L'évêque de Pérouse
Vincenzo Gioacchino Pecci, né à Carpineto, près de Frosinone, était le sixième enfant d'une famille de petite noblesse. Ordonné prêtre en 1837, il était à cette époque très soucieux de fare una carriera. Délégat à Bénévent (1838), puis à Pérouse (1841), il s'y montra bon administrateur, hostile aux libéraux, mais soucieux d'améliorer les conditions de vie des catégories défavorisées et plein de tact dans ses rapports humains.
Nommé en 1842 nonce à Bruxelles, il eut par là l'occasion de prendre contact avec l'Europe parlementaire et bourgeoise. Rappelé en Italie à la demande du roi Léopold Ier en 1846, il fut nommé évêque de Pérouse, et, en dépit d'une promotion qui se fit attendre au cardinalat (1853), il allait rester confiné pendant trente-deux ans dans ce petit diocèse ; ses appréciations sévères sur la réaction qui avait suivi la crise de 1848, puis son souci d'éviter des heurts inutiles avec les autorités italiennes après l'annexion de l'Ombrie le faisaient, en effet, soupçonner par Pie IX de tiédeur à l'égard du pouvoir temporel et de sympathies pour le libéralisme, ce qui était bien inexact.
Pour Pecci, ces années de retraite et de semi-disgrâce furent fécondes. L'interruption de sa « carrière » contribua à faire du prélat un véritable homme d'Église dont la piété s'approfondit en une conscience très vive des responsabilités pastorales d'un évêque. Tout en s'appliquant à réorganiser son diocèse et à améliorer le niveau spirituel et intellectuel de son clergé, il utilisait le reste de ses loisirs à lire et à réfléchir. Ainsi fut-il amené à reconsidérer les relations entre l'Église et la société moderne et à se convaincre de plus en plus de la maladresse commise par les autorités ecclésiastiques vis-à-vis des aspirations du temps. Le fruit de cette maturation silencieuse se manifesta brusquement aux contemporains dans des lettres pastorales (1877 et 1878) qui attirèrent l'attention, même au-delà des frontières de l'Italie, sur l'évêque de Pérouse. Au moment où Pie IX multipliait ses anathèmes contre le monde moderne, on y découvrait « cette cordialité d'accent à l'égard de la saine civilisation et du vrai progrès, cet esprit d'hospitalité à l'endroit de toutes les légitimes conquêtes du progrès humain, cette aspiration de l'Église à devenir l'inspiratrice de toutes les campagnes généreuses qui caractériseront le pontificat de Léon XIII » (G. Goyau).
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Écrit par
- Roger AUBERT : professeur à l'université de Louvain
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