LÉON XIII (1810-1903) pape (1878-1903)
Les orientations nouvelles
Cependant, plus que par cet aspect de continuité, le pontificat de Léon XIII se caractérisa par un esprit nouveau, dont l'originalité fut vivement ressentie par les contemporains.
Dans ses relations avec les gouvernements, Léon XIII, dont les secrétaires d'État – même Rampolla – ne sont que des instruments dociles, préférait les méthodes diplomatiques aux protestations enflammées. Visant avant tout à apaiser les préventions contre l'Église, il insista à chaque occasion sur l'appui moral que celle-ci pouvait apporter face aux « passions révolutionnaires » (menées anarchistes dans les pays méridionaux, socialisme en Allemagne, agitation irlandaise en Grande-Bretagne et polonaise en Russie). S'il se rapprocha de la sorte de la bourgeoisie au pouvoir et contribua ainsi à renforcer la conviction de ceux qui reprochent à l'Église d'être « l'opium du peuple », il aboutit dans l'immédiat à d'incontestables succès, dont le plus marquant fut la victoire sur le Kulturkampf allemand. En quelques années, les conflits existant avec la Suisse et avec la plupart des républiques d'Amérique latine furent aplanis ; une certaine détente intervint en Russie ; avec l'Autriche, les relations demeurèrent toujours correctes, malgré les tensions croissantes dues à certaines tendances slavophiles du Saint-Siège, préoccupé de nouer le dialogue avec l'orthodoxie ; les rapports s'améliorèrent avec l'Espagne (Léon XIII désavoua nettement l'opposition carliste) et avec la Grande-Bretagne ; ils devinrent excellents avec les États-Unis. Il ne faut toutefois pas oublier les échecs de la politique subtile – peut-être trop subtile – du pape diplomate. Ainsi, les tentatives d'apaisement avec l'Italie n'aboutirent pas et les espoirs mis dans l'appui allemand et autrichien pour résoudre la question romaine furent déçus par le renforcement de la Triplice. Tout aussi décevante fut la nouvelle politique instaurée en 1887, date de l'accession du cardinal Rampolla à la secrétairerie d'État, et qui consistait à rechercher plutôt le soutien des puissances démocratiques (États-Unis et surtout France). C'est d'ailleurs toute la politique française de Léon XIII, axée sur le « ralliement » des catholiques à la république, qui fit faillite devant la résistance de beaucoup à suivre les consignes romaines et devant la recrudescence de la vague anticléricale à l'occasion de l'affaire Dreyfus. Ces échecs empêchèrent le pape, malgré le succès spectaculaire que constitua en 1885 l'arbitrage du conflit des Carolines, de jouer sur la scène internationale le rôle auquel il aspirait.
Mais Léon XIII ne fut pas un pape exclusivement politique. Il fut aussi un intellectuel ouvert au progrès des sciences et conscient de l'importance pour l'Église de se montrer accueillante en ce domaine. Il fut également un pasteur attentif à la vie interne de l'Église et soucieux de faire rayonner son message dans le monde.
Alors que Pie IX ne faisait le plus souvent que condamner les directions de recherche qui lui paraissaient inacceptables, avec Léon XIII apparaît un climat nouveau qui rendra possible « la rentrée en force des catholiques dans le domaine scientifique et spécialement dans le secteur des études historiques où ils s'étaient depuis longtemps laissés distancer » (H. Marrou). L'élévation de John H. Newman au cardinalat en 1879, l'ouverture des archives du Vatican dès 1880 aux savants de toute confession, le bref de 1883 invitant les historiens catholiques à travailler dans un esprit de parfaite objectivité illustrent cette tendance, tout comme l' encyclique Providentissimus(1893), qui, bien que dépassée aujourd'hui, constituait en matière d'exégèse biblique une œuvre de pionnier et[...]
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Écrit par
- Roger AUBERT : professeur à l'université de Louvain
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