LÉONARD DE VINCI (1452-1519)
La personnalité puissante et séduisante de Léonard de Vinci est apparue au moment décisif de la Renaissance. Il a incarné la liberté nouvelle de l'artiste, émancipé des cadres professionnels, dominant par la réflexion scientifique et philosophique l'empirisme du métier, et devenu l'interlocuteur des grands. Mais son génie infatigable et singulier déborde les préoccupations objectives et sereines de la première Renaissance : sa biographie atteste une activité prodigieuse, qui n'est pas toujours menée à terme, suscite des reproches et se trouve de bonne heure colorée par la légende. Son œuvre écrit connaît un sort bizarre ; ses recherches théoriques donnent des proportions imprévues à la doctrine de l'art-science ; il touche à tous les arts en suggérant partout un idéal de rigueur et de complexité, qu'illustre en peinture un petit nombre d'œuvres souvent inachevées. L'attention doit porter sur chacun de ces points.
Éléments de biographie
Léonard de Vinci est un pur Toscan, né dans le petit bourg dont il porte le nom, à trente kilomètres à l'ouest de Florence, entre Empoli et Pistoia. Il était le fils naturel d'un notaire, ser Piero, et d'une paysanne, Caterina, qui se mariera en 1457 à Anchiano. L'enfant fut élevé à la maison paternelle et choyé par sa jeune belle-mère, ce qui nuance les spéculations de Freud sur la pénible condition du bâtard. Car ser Piero se maria quatre fois mais n'eut un second enfant qu'en 1476 ; il vint à Florence comme notaire accrédité auprès de la seigneurie en 1469, et mourut en 1504.
Florence, de 1467-1469 à 1481-1482
Tout indique que Léonard eut une éducation soignée (grammaire et calcul en particulier), avant d'entrer vers 1467 ou 1469 dans l'atelier de Verrocchio auquel il dut sa formation « polytechnique » : peinture, sculpture, travaux de décoration. Admis à vingt ans à la guilde des peintres, Léonard ne quitte Verrocchio qu'en 1479. Outre des participations très vraisemblables aux travaux de la bottega, quelques tableaux appartiennent à cette époque ; la première grande commande, bien tardive, est celle de L'Adoration des Mages pour les moines de San Donato à Scopeto en 1481. Mais dès la fin de l'année, Léonard avait quitté Florence pour Milan, envoyé comme joueur de lyre par Laurent de Médicis auprès de Ludovic le More (d'après l'Anonyme Gaddiano) ou, plus probablement, appelé sur sa propre initiative à la cour lombarde pour s'occuper du monument équestre géant du duc Sforza, dit Il Cavallo, qui demandait un bronzier averti. Ce départ ne doit pas étonner : c'est une période où Florence exporte ses talents. Mais on reste déçu de ne rien savoir de précis sur les rapports de Léonard avec le milieu culturel et artistique de Laurent ; le jeune artiste semble être resté en marge pendant les treize ou quinze ans de ses débuts à Florence ; il est possible que vers 1480-1481 il ait travaillé comme restaurateur au jardin des marbres de Laurent de Médicis près de Saint-Marc (d'après l'Anonyme Gaddiano).
Milan, 1482-1499
Les choses sont très différentes à Milan. Léonard y trouve un climat favorable où tous ses dons s'épanouissent. Il y a le projet du Cavallo, auquel – après de longs retards qui amènent en 1489 Ludovic le More à chercher un autre sculpteur à Florence – il revient activement de 1490 à 1494, construisant un modèle en terre de sept mètres qui est présenté durant une fête de novembre 1493, et préparant la fonte difficile à réaliser avec un soin dont témoignent les documents retrouvés dans un manuscrit de Madrid. Il y a la commande du retable pour la confrérie de l'Immaculée Conception à San Francesco Grande : La Vierge aux rochers (1483, Louvre). Il y a les consultations et les projets pour le Tiburio (tambour et coupole) de la[...]
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Écrit par
- André CHASTEL : membre de l'Institut, professeur au Collège de France
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