LÉONARD DE VINCI (1452-1519)
Le « corpus vincianum »
L'œuvre de Léonard comprend une trentaine de peintures (plus d'un tiers a disparu et un quart seulement est d'attribution certaine) et une masse considérable de manuscrits et de dessins (soit dans des cahiers, soit sur feuilles séparées) ; c'est là un ensemble unique. Ces textes et leurs illustrations débordent les problèmes de l'art et concernent toutes les branches du savoir ; mais les questions artistiques sont souvent impliquées ou même explicitement reliées aux notes scientifiques. L'ensemble se présente donc comme un enchevêtrement de notations et d'observations où s'accumule un savoir prodigieux mais dépourvu des articulations habituelles. Il est indispensable de décrire ces cahiers et d'en rapporter les extraordinaires vicissitudes, avant d'envisager les directions maîtresses des recherches de Léonard.
En quittant Florence, à la fin de 1482, l'artiste, âgé de trente ans, emportait des dessins et des œuvres, dont il a dressé la liste, mais il n'avait encore rédigé, semble-t-il, aucun écrit théorique. C'est à Milan que commencent les notes en rapport avec les activités diverses de Léonard : des matériaux pour un traité de la peinture (ms. A., et le ms. 2038 de la bibliothèque nationale de Milan), un éloge de cet art opposé à la sculpture, à la poésie et à la musique, des schémas de proportion et des études plus systématiques dont commencent à se détacher un livre de la figure humaine, plus spécialement consacré à l'anatomie, et un livre sur l'ombre et la lumière (ms. C) où on lit à la date du 23 avril 1490 : « Aujourd'hui j'ai commencé ce livre et recommencé le cheval [la statue équestre] » (fo 15) ; des projets et des plans pour des aménagements provisoires de fête ou pour des édifices à compléter, à restaurer, des études sur la résistance des matériaux ; l'ébauche d'un traité de la fonte avec la mise au point d'un four, des armatures de fer (en particulier dans le Matr. 8936) ; la préparation d'un recueil systématique de machines : crics, horloges, procédés de levage, etc., retrouvé dans le Matr. 8937 (1492-1493) ; des études de mathématiques, surtout nombreuses au moment du séjour à Milan de Luca Pacioli (vers 1496) ; des éléments d'un traité de physique, également tardifs (1er avril 1499 : « Scrissi qui de moto e peso », dans le Cod. atl., fo 104, ro), liés à des recherches sur le vol des oiseaux et ses équivalents mécaniques (ébauchées dès 1486-1490, ms. B) et des réflexions sur les mouvements de l'eau (dès le ms. A et dans le ms. I, circa fos 97-99). C'est donc, en fait, dans les douze années qui vont de 1487 à 1499, que Léonard a vu la possibilité puis la nécessité de procéder à la refonte de plusieurs domaines du savoir. Par ailleurs, dès les années 1480, il avait pris l'habitude de rédiger et probablement de « raconter » des récits d'aventures fictives, des descriptions fantastiques, comme le géant noir de Libye (Cod. atl., fo 311, ro) et les cataclysmes dans le Taurus (Cod. atl., fo 145, ro et vo).
Durant les années qui suivent, les déplacements et des tâches nouvelles ne permettent guère à Léonard que de jeter des notes brèves venant compléter tel ou tel point de ses études. Il utilise alors des carnets de petit format qu'il devait avoir toujours sous la main. Puis, vers 1505 et jusque vers 1513-1515, on assiste à un effort général pour reprendre les travaux antérieurs et les pousser à un degré satisfaisant d'organisation. D'abord le Trattato della pittura revient à l'ordre du jour avec un Libro A (perdu mais reconstitué par C. Pedretti, 1964), et les manuscrits E, F, G, tandis que se précisent les recueils séparés, De ombra e lume et de la figure humaine ( anatomie, mouvements : « Ce printemps[...]
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Écrit par
- André CHASTEL : membre de l'Institut, professeur au Collège de France
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