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SCIASCIA LEONARDO (1921-1989)

Le porte-parole de la « sicilitude »

Pourtant, Sciascia n'a pas toujours eu recours à la fiction narrative. Il est aussi l'auteur d'un grand nombre d'essais proprement dits, notamment de critique littéraire, dont témoignent en particulier une série d'études consacrées à Pirandello, qui ont apporté des vues très neuves, en établissant avec netteté l'importance de l'élément sicilien dans les œuvres de celui-ci. Mais les intérêts de Sciascia ne se limitent pas à la littérature. En fait, l'histoire, la sociologie, la linguistique, l'histoire des idées lui servent tour à tour à poursuivre une recherche dont l'enjeu est toujours le même : le refus de s'en laisser conter, d'accepter sans réfléchir des idées ou des comportements imposés de l'extérieur, par les traditions ou les habitudes.

Ainsi se dessinent peu à peu les traits de cette « sicilitude » qu'il a entrepris de définir dans ses manifestations multiples, qui est faite de manières d'être ou de penser, et dont il tente de comprendre les raisons, tout en montrant qu'autre chose est possible. Cela dit, ce n'est pas seulement l'amour abstrait de la vérité qui motive cette recherche inlassable, c'est aussi la sympathie pour les hommes qui, concrètement, souffrent de cet état de choses ou de société, et qui sont ceux-là mêmes que Sciascia a connus et vus autour de lui, et avec lesquels il n'a cessé d'être en contact.

Une phrase des Paroisses de Regalpetra évoque l'horloge de la basilique de cette petite ville, immobilisée à la date du 13 juillet 1789. Il est bien clair que, pour Sciascia, il ne suffit pas de constater cette situation interminablement figée. Le but de son activité d'écrivain est de contribuer à ce qu'un jour, à Regalpetra, cette pendule finisse par marquer « l'heure d'aujourd'hui, celle qui, pour tant d'autres hommes dans le monde, est l'heure juste ».

Il n'est donc pas surprenant que, tirant les conséquences logiques de ces prises de positions, il en soit venu à intervenir de façon de plus en plus fréquente dans la vie politique de son pays. Collaborant de longue date avec la presse quotidienne et avec les revues, où il a publié un grand nombre de textes narratifs ou d'articles avant de les réunir en volume, Sciascia est devenu un éditorialiste et un chroniqueur attentif de la réalité politique italienne au jour le jour, jugeant avec la même passion froide et la même lucidité qu'il manifeste dans ses essais ou ses romans. C'est ainsi que s'explique la tentative d'action politique directe qui l'a conduit, en 1976, à présenter à Palerme sa candidature à un poste de conseiller municipal, sur une liste du Parti communiste italien, mais en tant que non inscrit.

Bien qu'il fût, depuis des années, proche des communistes italiens sur un grand nombre de points, Sciascia n'avait jamais adhéré au P.C. Il avait, au contraire, toujours gardé une entière liberté de jugement, comme le montre, par exemple, la nouvelle intitulée La Mort de Staline. Compagnon de route parfois incommode, il démissionne avec éclat quelques mois plus tard, déçu de n'avoir pas trouvé dans cette charge une possibilité d'action effective, en raison de la pesanteur, jusque sur les bancs de l'extrême gauche, d'un système qu'il avait cru plus souple et moins entravé.

En 1979, élu simultanément à la Chambre des députés et au Parlement européen, Sciascia a choisi de siéger à Rome, dans les rangs du parti radical.

Il n'a donc pas renoncé à intervenir directement dans l'action politique, bien qu'il considère que l'écriture est une forme d'action qui lui convient davantage. Sciascia du reste n'a cessé d'intervenir dans la presse. Au cours de la grande polémique du printemps 1977 notamment, il prit à partie[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Média

Leonardo Sciascia - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Getty Images

Leonardo Sciascia

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