KOGAN LEONID (1924-1982)
La découverte en Occident de Leonid Kogan, à la fin des années1960, a symbolisé un renouveau au sein de l'une des principales écoles de violon du monde. En dehors de David Oïstrakh, l'U.R.S.S. n'avait en effet engendré aucun nouveau talent d'envergure depuis la génération des émigrés (Jascha Heifetz, Nathan Milstein, Efrem Zimbalist, Mischa Elman, Toscha Seidel). La « percée » de Leonid Kogan apparut comme un événement majeur qui sera confirmé par la suprématie soviétique dans les grands concours internationaux de violon.
Leonid Borisovitch Kogan voit le jour à Dniepropetrovsk (Ukraine) le 14 novembre 1924. Son père, un photographe passionné de musique, l'encourage dès qu'il découvre ses dons précoces : il commence le violon à sept ans. En 1934, il est admis dans la classe d'Abram Yampolski à l'école centrale de Moscou. Il donne ses premiers concerts en 1941 puis entre au conservatoire de Moscou, où il travaille, toujours avec Yampolski, de 1943 à 1948, et se perfectionne de 1948 à 1951. Dès 1947, il remporte un premier prix ex æquo au Festival mondial de la jeunesse démocratique à Prague. Quatre ans plus tard, il triomphe au Concours international Reine Élisabeth de Belgique. En 1953, il devient l'assistant de Yampolski au conservatoire de Moscou et professeur titulaire en 1963. Sa carrière prend alors des dimensions internationales : il débute en Europe occidentale en 1955, aux États-Unis en 1958, est nommé artiste du peuple de l'Union soviétique en 1964, et reçoit le prix Lénine en 1965. Au cours des années 1960, sa notoriété en Occident atteint son apogée : il enregistre en France et en Grande-Bretagne l'essentiel des œuvres pour violon. En U.R.S.S., il joue en trio avec Emil Guilels et Mstislav Rostropovitch, en duo à deux violons avec sa femme Élisabeth Guilels (1919-1982), la sœur du pianiste, puis à trois violons avec leur fils Pavel (né en 1952). Il meurt à Moscou le 17 décembre 1982.
Le répertoire de Leonid Kogan était très vaste. S'il s'est imposé au Concours Reine Élisabeth avec le Premier Concerto de Paganini, il a su rapidement effacer l'image de virtuose qu'on lui attribuait peu à peu, au profit de celle d'un musicien complet, capable d'interpréter aussi les pages méconnues ; il a révélé le Concerto à la mémoire d'un ange de Berg en U.R.S.S. et les concertos de Glazounov, Prokofiev, Chostakovitch ou Khatchatourian hors de son pays. Revol Bounine, Moisseï Vainberg, Tikon Khrennikov (Concerto), Khatchatourian (Concerto-Rhapsodie), Franco Mannino (Concerto pour trois violons) ont écrit pour lui. Vers la fin de sa vie, il se faisait accompagner au piano par sa fille Nina.
Kogan détenait de son maître Yampolski la tradition de Leopold Auer. Mais, à la différence de Jascha Heifetz ou de Nathan Milstein, il en avait cultivé la rigueur et le dépouillement. Sa sobriété impressionnait et on l'a souvent taxé de froideur, car sa recherche du contenu profond de la musique écartait toute concession formelle. Seul élément de séduction extérieure, sa sonorité attirait par sa générosité. Mais jamais il ne cultiva le brillant qu'il aurait pu obtenir de l'extraordinaire instrument sur lequel il jouait, un Guarnerius de 1726. Et lorsqu'on compare son jeu à celui des disciples de Youri Yankelevitch, le fameux pédagogue soviétique, lui-même élève de Yampolski, on constate que la génération suivante (Vladimir Spivakov, Victor Tretiakov) a maintenu cette esthétique d'introspection et de réserve, contrairement à l'école de David Oïstrakh (Victor Pikaisen, Oleg Kagan, Gidon Kremer), qui a vu éclore des talents de plus en plus expansifs. Reconnu comme un pédagogue éminent, Leonid Kogan enseignait aussi en Occident, notamment à l'Académie internationale d'été de Nice et à l'Académie Chigiana de Sienne. Parmi ses élèves[...]
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
Classification
Média