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LEOPARDI, IL GIOVANE FAVOLOSO (M. Martone)

Mario Martone, né à Naples en 1959, est d'abord un homme de théâtre. Après une première mise en scène à 17 ans, il crée la compagnie Falso Movimento en 1979, et monte Otello de Verdi, LOpéra de quatsous de Brecht et Weil, Retour àAlphaville, d'après Godard. Cinéma, vidéo, opéra, théâtre, Wenders, Verdi, Brecht, Godard : dès ses débuts à la scène, il se veut du côté de la synthèse entre les arts. Sa carrière théâtrale, d'une grande richesse, passe par Naples, Rome, Turin, mais aussi Paris (il a mis en scène au printemps 2015 Macbeth, de Verdi, au Théâtre des Champs-Élysées). En 1992, il réalise son premier long métrage, Mort d'un mathématicien napolitain, très bien accueilli, comme le suivant, L'Amour meurtri (1995). Naples est sa première inspiration cinématographique, dans sa beauté et sa laideur, sa séduction et ses abîmes, une Naples irrécupérable par les faiseurs de clichés et les amateurs de pittoresque. Mais son cinéma est d'une grande diversité. Il a ainsi filmé la rencontre de Naples, d'Eschyle et de Sarajevo assiégée dans Teatro di guerra (1998), l'intimité d'un couple tourmenté dans L'Odeur du sang (2003) et l'épopée du Risorgimento dans Noicredevamo (2010).

Recanati, Florence, Naples

<em>Leopardi, il giovane favoloso</em>, de Mario Martone - crédits : M. Spada/ Archives du 7eme art/ Photo12/ Afp

Leopardi, il giovane favoloso, de Mario Martone

Après avoir, en 2011, porté au théâtre les Petites œuvres morales de Giacomo Leopardi, Martone raconte donc la vie du poète dans Leopardi, il giovanefavoloso (2014), filmant en décors naturels, avec la collaboration de Ippolita di Majo au scénario et, pour la deuxième fois, de Renato Berta comme chef-opérateur. La musique est l'œuvre d'un auteur de la scène électronique berlinoise, Sascha Ring. Si peu de Français ont lu Leopardi, le plus célèbre poète italien avec Dante, sa vie brève (1798-1837), douloureuse et fervente, son œuvre immense restent familières à tous les Italiens. L'amour étouffant de son père et la bigoterie de sa mère, la précocité de ses talents, sa connaissance du grec, du latin, de l'hébreu, à l'âge où on joue aux amoureux ou aux petits soldats, une santé tôt fragile : après une telle enfance, Leopardi pouvait passer sa vie à regarder le malheur et la passion en face. Sous les apparences d'un malade souffreteux, d'un « bossu », il fut en réalité l'un des géants du xixe siècle européen.

De Recanati, petite ville des Marches où il naquit, à Florence où il tenta de se libérer de ses origines et du poids de la maladie en fréquentant les salons littéraires, jusqu'à ses derniers jours dans une Naples brûlante et convulsive que Mario Martone connaît par cœur, son existence se divisa entre douleur et exaltation. On aurait pu craindre que, connaissant mal Leopardi, le spectateur français appréciât moins le film que Martone lui consacre. Mais tout, ici, est immédiatement accessible, lumineux, porté par un récit toujours juste, vivant, dont le style change au fur et à mesure de la vie du poète, en fonction des sentiments et des villes qu'il traverse. Un écrivain au travail, ce n'est a priori pas intéressant au cinéma. Martone résout le problème en filmant la vie intérieure d'un homme telle qu’elle est prise dans les conditions concrètes de son existence. Aucune des vulgarités habituelles des biopics. Tout le scénario est fondé sur les écrits de Leopardi. Davantage, la majorité des répliques dites par l'interprète principal, Elio Germano, prix d'interprétation à Cannes en 2010, sont des citations littérales du poète. Pour son ami Antonio Ranieri (Michele Riondino), son père, sa sœur, son oncle, Martone a utilisé leur correspondance. Le talent des interprètes permet ainsi de transmettre à l'écran, avec beaucoup de clarté, des textes qu'on aurait pu craindre trop littéraires. La critique de la mesquinerie de son temps, de son milieu familial, puis du monde intellectuel,[...]

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<em>Leopardi, il giovane favoloso</em>, de Mario Martone - crédits : M. Spada/ Archives du 7eme art/ Photo12/ Afp

Leopardi, il giovane favoloso, de Mario Martone