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GODOWSKI LEOPOLD (1870-1938)

Surnommé le « pianiste des pianistes », Godowski fut, de 1900 à 1930, acclamé par le public du monde entier et admiré par ses pairs, qui voyaient en lui le premier d'entre eux. Il fut également un pédagogue réputé, comptant parmi ses élèves nombre de musiciens qui deviendront célèbres, comme Issaï Alexandrovitch Dobroven (Dobrowen) ou Heinrich Neuhaus. Enfin et surtout, il écrivit pour le piano seul, et uniquement pour celui-ci, des œuvres d'une grande originalité de facture et d'une difficulté d'exécution redoutable, qui ont fait reculer les limites de la technique de cet instrument.

Leopold Godowski (translittéré Godowsky dans le monde anglo-saxon) naît le 13 février 1870 à Sozly, une bourgade proche de la ville russe de Vilno (aujourd'hui Vilnius, capitale de la Lituanie). Il manifeste très tôt des dons prodigieux pour la musique, et un ami de sa mère lui fait donner des leçons de violon. Mais c'est le piano qui l'attire irrésistiblement. Il en apprend quasiment seul la technique ; d'ailleurs, hormis un trimestre passé à la Hochschule für Musik de Berlin auprès de Ernst Rudorff, il ne suivra jamais un enseignement musical conventionnel. Godowski est le seul virtuose classique autodidacte de l'histoire du piano, ce qui explique sans doute le caractère non académique de son jeu, reposant sur la souplesse musculaire et un complet relâchement du bras.

À l'âge de neuf ans, il fait sa première apparition en public, puis donne des concerts en Russie et en Pologne. En 1884, il part tenter sa chance aux États-Unis, mais la tournée qu'il y effectue sur la côte ouest s'avère un désastre et, dès 1886, il revient en Europe dans l'intention de travailler auprès de Liszt. Malheureusement, celui-ci meurt au moment où il débarque en France. Il décide néanmoins de s'établir à Paris afin de faire la connaissance de Saint-Saëns. Ce dernier se prend d'affection pour le jeune prodige, lui ouvre les salons mondains, le met en relation avec les gloires musicales de l'époque, parmi lesquelles Tchaïkovski, et lui propose même de devenir son fils adoptif.

La concurrence entre pianistes étant alors rude à Paris, Godowski repart aux États-Unis en 1890. Ce deuxième essai est le bon. Il donne un récital dans le tout nouveau Carnegie Hall, se marie, obtient la nationalité américaine et commence à enseigner à New York, à Philadelphie, puis à Chicago. Il se met également à composer. En 1893, il écrit la première des 53 Études sur 26 Études de Chopin, qui seront publiées en 1914. Il ne s'agit évidemment pas pour lui de réécrire ces chefs-d'œuvre, mais de les « arranger » de manière à enrichir la technique du piano et à utiliser toutes les ressources polyphoniques de l'instrument. Vingt-deux de ces études sont destinées à la main gauche seule et ouvrent des perspectives sonores inédites. Par la suite, Godowski appliquera à d'autres compositeurs ce processus de libre transposition et d'adaptation aux possibilités du grand piano à queue de concert : Lully, Rameau, Bach (Transcriptions de trois suites pour violoncelle et de trois sonates pour violon, 1924), Schubert (Transcription de douze Lieder, 1926) et Johann Strauss fils (Métamorphoses symphoniques sur des thèmes de La Chauve-souris, Vie d'artiste et Aimer, boire et chanter, 1905-1912). « Ma musique de piano, écrit-il, est comme un orchestre, avec différentes voix indépendantes jouées par différents instruments. »

Ayant conquis le Nouveau Monde, Godowski rêve désormais d'une consécration sur le Vieux Continent. Il y revient donc en 1900. Le récital qu'il donne à Berlin est un triomphe, qui le propulse au premier rang des virtuoses. Il s'installe dans cette ville, avant de s'établir, en 1909, à Vienne, où il se voit confier, après Emil Sauer et Ferruccio Busoni,[...]

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Écrit par

  • : agrégé de lettres modernes, ancien élève de l'École normale supérieure

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