RUŽIČKA LEOPOLD (1887-1976)

Prix Nobel de chimie, Leopold Stephen Ružička est né le 13 septembre 1887 à Vukovar, petite ville de Croatie, alors province de la monarchie austro-hongroise. Son père, tonnelier et marchand de bois, mourut quatre ans plus tard, le laissant avec sa mère et son frère Stefan. La famille alla s'installer dans la ville voisine – Osijek –, où Leopold fit ses études primaires et secondaires. Cette partie de sa jeunesse devait profondément le marquer ; il parlait parfaitement le croate avec un fort accent esclavon. Il a pris la nationalité suisse en 1917.

De 1906 à 1910, il étudie la chimie à l'institut polytechnique de Karlsruhe ; ses maîtres sont le technologue du pétrole Carl Engler, le spécialiste de chimie-physique Fritz Haber et le jeune organicien Hermann Staudinger (Prix Nobel de chimie en 1953). C'est chez ce dernier qu'il présenta sa thèse Sur le phényl-méthyl-cétène. Quand Staudinger accepta, en 1912, une chaire à l'école polytechnique fédérale de Zurich, Ružička le suivit comme assistant. De 1912 à 1916, ses travaux furent consacrés aux substances insecticides de la plante dalmate Chrysanthemum cinerariaefolium et donnèrent lieu par la suite à publication avec Staudinger. C'est là que Ružička établit ses premiers contacts avec la chimie des terpènes qui devait plus tard devenir son sujet favori. De 1917 à 1921, ses travaux personnels furent des synthèses et transpositions de monoterpènes ainsi que des synthèses d'alcaloïdes du quinquina ; il passa son agrégation en 1918 à l'école polytechnique fédérale et en 1921 à l'université de Zurich. En 1923, Ružička était titularisé.

Et c'est son premier contact avec l'industrie auprès de la société genevoise Naef et Cie, puis Chuit, Naef et Cie et Firmenich et Cie. Il devait maintenir ces relations scientifiques et amicales jusqu'à sa mort. Cette collaboration est à l'origine des travaux sur les substances aromatiques du musc et de la découverte des polycycles qui ouvraient un nouveau chapitre de la chimie organique.

En 1925, Leopold Ružička abandonna l'école polytechnique fédérale pour faire des recherches pendant une année et demie pour les laboratoires des industries genevoises des substances aromatiques. La vie universitaire devait vite lui manquer et, en 1926, il accepta une chaire à l'université d'Utrecht pour y étudier, pendant deux ans, les terpènes supérieurs. Il n'oubliait pas la Suisse, sa patrie d'adoption dont il était citoyen depuis 1917, et quand elle lui fut offerte, en 1929, il accepta la succession à Zurich de Richard Kuhn (Prix Nobel de chimie en 1938). Ses recherches portent alors sur les terpènes supérieurs et, surtout, sur les stéroïdes, avec une synthèse partielle de l'androstérone et de la testostérone qui devait ouvrir la voie aux traitements hormonaux médicaux et permettre à l'industrie pharmaceutique suisse de prendre une position dominante en la matière. En 1939, ces travaux devaient valoir à Leopold Ružička le prix Nobel de chimie qu'il partagea avec l'Allemand Adolf Butenandt. Puis vinrent les années de guerre pendant lesquelles Ružička s'intéressa aux problèmes politiques. Fervent antinazi, il aida les réfugiés en Suisse, prit fermement position contre les puissances occupantes et créa la « Fondation Ružička » dont le but était de rassembler de nombreuses œuvres d'art pour le bénéfice de la Maison des arts de Zurich.

Parallèlement à ces activités, ses nombreux travaux scientifiques aboutirent à l'élaboration de la règle isoprénique biogénétique, à la rationalisation de la régularité structurelle et de la biogenèse des terpènes et terpénoïdes. Les mérites de Leopold Ružička furent reconnus en de nombreuses occasions ; il fut ainsi docteur honoris causa de huit universités, membre et membre d'honneur de multiples sociétés[...]