STOKOWSKI LEOPOLD (1882-1977)
Figure exceptionnelle dans la musique du xxe siècle, le chef d'orchestre américain Leopold Stokowski, de son vrai nom Antoni Stanislaw Boleslawowicz, meurt le 13 septembre 1977 à Nether Wallop (Hampshire), en Angleterre, où il était né, à Londres, le 18 avril 1882, d'une mère irlandaise et d'un père polonais installé comme ébéniste.
L'essentiel de sa carrière, longue de soixante-dix ans, se déroula dans le Nouveau Monde, auquel Stokowski révéla, de façon parfois controversée, mais toujours originale, bien des aspects de la musique classique ainsi que les œuvres des plus brillants des compositeurs modernes.
Il avait fait sa dernière apparition publique en 1975 au festival de Vence, où il dirigea, à la tête de l'Orchestre de chambre de Rouen, ses fameuses transcriptions des sonates de Bach, qui firent tant pour sa célébrité outre-Atlantique tout en lui aliénant les puristes.
Car Stokowski appartenait à la race des originaux. Par goût de l'excentricité ou sens de la publicité, il défraya souvent la chronique tant musicale que mondaine. Trois mariages suivis de trois divorces et d'une liaison avec Greta Garbo attestent une existence mouvementée.
En 1926, il se met à diriger sans baguette, et les belles mains fines de ce play-boy élégant entrent dans la légende. Stokowski avait aussi l'habitude de disposer tous les violons à sa droite, affirmant qu'il en obtenait ainsi une meilleure sonorité. Il fut l'un des premiers à faire une place, dans l'orchestre, aux femmes et aux instrumentistes noirs.
C'est dans cet esprit qu'il fonda, en 1962, l'Orchestre symphonique américain, à la tête duquel il devait créer, durant dix ans, de nombreuses œuvres américaines, dont la Quatrième Symphonie de Charles Ives.
Doué d'une imagination fertile et d'un goût insatiable pour la nouveauté, Stokowski a sans cesse battu en brèche la tradition et ferraillé avec l'orthodoxie. Ainsi a-t-il compris d'emblée le parti que le musicien pouvait tirer de l'invention de la radio et de l'enregistrement électrique. Et il ne sera pas le dernier à utiliser le microsillon, puis la stéréophonie. Lorsqu'il prend congé du public, en 1975, c'est pour graver des disques. Dans un geste de défi au destin, il s'était même lié par contrat avec une firme américaine jusqu'à l'âge de cent ans...
L'extraordinaire intuition qui l'habitait se fondait sur une culture musicale sans faille. À peine avait-il atteint l'âge de raison que le jeune Leopold jouait, indifféremment au piano ou au violon, Mozart, Beethoven, Brahms, Chopin et Debussy. C'est le roi des instruments, l'orgue, qui devait pourtant le fasciner au point de provoquer une passion pour Jean-Sébastien Bach, dont il apprit par cœur l'œuvre pour clavier. Il a tout juste vingt ans lorsqu'il est nommé organiste et chef de chœur à St. James de Piccadilly, à Londres. Trois ans plus tard, en 1905, il occupe les mêmes fonctions à l'église St. Bartholomew de New York.
Effectuant avant la Première Guerre mondiale un véritable tour des capitales de la musique, comme cela se pratiquait au xixe siècle, Stokowski fait ses classes de Vienne à Paris en passant par Berlin, Londres et Munich. Et lorsqu'il commence à diriger, il possède la technique de tous les instruments qui composent l'orchestre, s'assurant ainsi une autorité incontestée sur les musiciens. C'est cette incomparable expérience qui lui permet, durant le quart de siècle où il demeure à sa tête, d'élever l'Orchestre de Philadelphie au plus haut niveau, avant de le laisser à Eugene Ormandy. Il s'était en effet installé aux États-Unis en 1912 et avait pris la nationalité américaine en 1915, tout en conservant sa qualité de sujet britannique.
Durant tout l'entre-deux-guerres, Stokowski se[...]
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Écrit par
- Jacques DOUCELIN
: chef de la rubrique musicale et critique musical au journal
Le Figaro
Classification
Média
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