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SACHER-MASOCH LEOPOLD VON (1836-1895)

« Le Legs de Caïn »

Vivre, c'est être condamné à tuer. Le legs de Caïn, c'est ce monde défectueux où tout ce qui vit, vit de meurtre et de vol. « Le juste ne réclame rien de ce legs, il n'a point de patrie ni d'abri, il fuit le monde et les hommes » (Prologue). C'est un errant. Seul devant la mort, il doit « mourir comme il a vécu, en état de fuite ». Ultime perspective d'où se découvre la nudité de la mort, terme où la jouissance perd sa réalité : ce bonheur « qui, toujours à portée de la main et toujours insaisissable, fuit devant nous depuis le berceau jusqu'à la tombe », n'est-ce pas la mort elle-même ? Au signe de Caïn répond la croix du Christ, dont l'épilogue devait retracer la naissance : « Non pas Jésus-Christ fils de Dieu, mais Jésus-Christ l'homme sur la croix, [...] l'homme sans amour sexuel, sans propriété, sans patrie, sans querelle, sans travail, qui meurt volontairement, personnifiant l'idée de l'humanité. » Et pourtant une voix ne cesse de répliquer à cet appel du vide, celle de « la déesse sombre et taciturne qui sans cesse enfante et engloutit », qui parle et qui ordonne : « Fils de Caïn, tu dois vivre, tu dois tuer ; comprends enfin que tu es mon esclave et que ta résistance est vaine. Et bannis cette crainte puérile de la mort. Je suis éternelle et invariable, comme toi tu es mortel et changeant. Je suis la vie, et tes tourments ni ton existence ne m'importent. »

— Claude RABANT

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Écrit par

  • : philosophe, psychanalyste, ancien élève de l'École normale supérieure

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