LÈPRE
Un des fléaux de tout temps les plus redoutés de l'humanité, attribué parfois même à une malédiction divine, la lèpre a trop souvent suscité des mesures inhumaines envers les malades. Depuis l'Inde, où son existence est supposée très ancienne, elle s'est répandue par le Moyen-Orient vers l'Europe jusqu'au xiiie siècle. L'endémie a régressé ensuite dans la majeure partie de l'Occident, persistant toutefois quelque temps en plusieurs régions, notamment en Scandinavie ; cela explique qu'un Norvégien, Armauer Hansen, ait pu, au xixe siècle, découvrir le bacille, agent pathogène de l'infection, classant celle-ci parmi les maladies infectieuses et contagieuses. C'est seulement au cours de la Seconde Guerre mondiale, aux États-Unis, qu'un médicament a été reconnu efficace, transformant la lèpre en maladie curable. Mais son évolution dure des années et, non traitée à temps, elle entraîne des infirmités irréversibles. Par ses effets, comme par les drames psychologiques qu'elle provoque, la lèpre crée un important problème social, justifiant la poursuite des efforts qui, au cours des dernières décennies, ont permis de réduire la prévalence de la maladie dans de nombreux pays.
Historique et répartition géographique
L' origine de la lèpre se perd dans la nuit des temps. À la lecture des textes anciens, indiens et chinois, et des livres sacrés, telle la Bible, certaines maladies indiquées comme redoutables et infamantes semblent correspondre à la lèpre, mais l'imprécision des signes évoqués ne permet pas d'en être certain. On peut lire les premières descriptions caractéristiques de la lèpre dans le Sushruta Samhita, compilation des traditions médicales de l'Inde de la plus haute antiquité, écrite six siècles avant J.-C. Ainsi l'Inde est considérée, sinon comme le lieu d'origine, du moins comme un des premiers foyers du fléau.
La lèpre se serait, de là, répandue à l'est vers l'Indochine, l'Insulinde, la Chine, puis le Japon. À l'ouest, transportée par les guerriers de Darius et d'Alexandre, elle gagne la Perse, le Proche-Orient, l'Égypte. Les Phéniciens contribuent à son extension à tout le littoral méditerranéen, et au début de l'ère chrétienne les légions romaines la font pénétrer au cœur de l'Occident. Les navigateurs, les invasions barbares et sarrasines favorisent sa dissémination à toute l'Europe et jusqu'en Islande. À la suite des Croisades, enfin, elle atteint son apogée en Europe aux xiie et xiiie siècles. Elle inspire à cette époque une terreur telle que les lépreux sont frappés de mort civile et rejetés de la communauté humaine après une cérémonie religieuse dite separatio leprosorum. Il existe alors pour les recueillir environ 19 000 léproseries dans toute la chrétienté, et près de 2 000 en France seulement. À partir du xive siècle, la lèpre décline rapidement en Europe, en partie sans doute du fait de cette impitoyable ségrégation, et de la mortalité consécutive aux épidémies de peste, variole, choléra ; quelques foyers y subsistent actuellement, mais de peu d'importance.
Aujourd'hui, en France métropolitaine et dans presque toute l'Europe, les cas de lèpre sont des cas « importés », l'infection ayant été contractée en pays endémiques. L'Asie du Sud et du Sud-Est, l'Afrique noire, l'Amérique centrale et l'Amérique du Sud, contaminées d'abord au xvie siècle par les conquistadors et les Portugais, mais plus sûrement ensuite par l'importation d'esclaves noirs, l'Océanie, où la maladie aurait pénétré avec les immigrants chinois et japonais du xixe siècle, ont constitué les principaux foyers historiques. Le nombre des pays atteints a toutefois été fortement réduit depuis les années 1990. Selon l'Organisation[...]
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Écrit par
- Nicole BOURCART : docteur en médecine, licenciée ès sciences
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