LES ANNÉES FOLLES DE L'ETHNOGRAPHIE. TROCADÉRO 28-37 (ouvrage collectif) Fiche de lecture
Collecter, diffuser
La seconde partie de l’ouvrage montre le travail scientifique effectué par Rivet et Rivière à travers la coordination de nombreuses collectes ethnographiques dans toutes les régions du monde : non seulement les missions dirigées par Marcel Griaule entre Dakar et Djibouti et par Claude Lévi-Strauss en Amazonie (un article évoque la figure méconnue de l’anthropologue physique Jehan Vellard), mais aussi des missions en Guyane (coordonnées par Paul Sangnier, qui devait prématurément disparaître après son retour en métropole), aux Antilles, en Indochine. Le rôle de Marcel Mauss dans la formulation des règles d’observation sur le terrain, à l’Institut d’ethnologie, est rappelé ainsi que ses fulgurances intellectuelles qui inspiraient les jeunes ethnographes.
La troisième partie de l’ouvrage montre comment le musée a fait connaître à un large public ses collections et ses savoirs à travers de nouveaux médias visuels et sonores. L’exposition reste le médium privilégié : un article rappelle le rôle diplomatique de l’exposition Sahara en 1934, qui laissait une place à chacun des États européens se disputant la colonisation de cette région. La photographie commence à occuper une place spécifique, une photothèque étant créée et une mise en scène spectaculaire intégrant des stéréoscopes. Les conférences radiophoniques, les concerts-conférences et les spectacles font l’objet d’une importante publicité, comme celle qui est organisée par Paul Coze en 1931 en marge de son exposition Peaux-Rouges, avec « audition de musique indienne et démonstration d’allumage de feu par friction », dans la vogue du scoutisme. Enfin, les travaux du musée sont présentés par une collection d’ouvrages, « L’Espèce humaine », coordonnée par Alfred Métraux aux éditions Gallimard.
On peut, pour conclure, reprendre l’interrogation de Vincent Debaene, spécialiste des rapports entre anthropologie et littérature, sur cette collection, qui connut beaucoup moins de succès que la collection « Terre humaine » aux éditions Plon à partir de 1950. Que faire des possibles non advenus qui s’esquissent dans une période d’effervescence comme ces « années folles de l’ethnographie » ? Une réponse peut être trouvée dans l’article que Nélia Dias, historienne de l’anthropologie, consacre aux musées d’ethnographie qui ont alors échoué en Indochine : l’écart entre la gouvernance démocratique qui s’inventait au Trocadéro (notamment avec les femmes et les étrangers) et celle, autoritaire, qui régnait aux colonies est la clé d’un legs encore à venir de cette période de créativité.
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Écrit par
- Frédéric KECK : directeur de recherche CNRS, membre du Laboratoire d'anthropologie sociale
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