Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

LES ANNÉES POP 1956-1968 (exposition)

En 1962, la Boutique de Ben ou The Store de Claes Oldenburg troublaient à leur manière la mince frontière qui séparait encore galerie et commerce, commerçant et artiste et, finalement, objet d'art et produit de consommation. Depuis lors, ce nouvel évangile de la consommation de masse s'est propagé jusqu'à nous pour imprégner l'exposition Les Années pop 1956-1968, qui s'est tenue du 15 mars au 2 juillet 2001 au Centre Georges-Pompidou. « Vous pouvez [...] savoir que le Président boit du Coke, que Liz Taylor boit du Coke – expliquait Andy Warhol –, et simplement penser que vous aussi vous pouvez boire un Coke. » Au niveau du Coca comme à celui d'une exposition consacrée à l'art pop donc, « pas de prolétaire ni de privilégié » – pour reprendre les termes de Jean Baudrillard –, car « ... tous les hommes sont égaux devant la valeur d'usage des objets et des biens (alors qu'ils sont inégaux et divisés devant la valeur d'échange) ».

Les années pop véhiculeraient cette promesse de salut. C'est pourquoi, suggérait Catherine Grenier, commissaire de l'exposition, il s'agissait moins de célébrer un art pop qu'un esprit pop : un « esprit de liberté qui souffle sur les années 1960 », écrit-elle, et qui a permis « l'émergence d'une culture davantage communautaire et populaire, dépassant les clivages sociaux... ». Le propos a le mérite d'intégrer certaines des caractéristiques du pop établies dès 1957 par Richard Hamilton : « Populaire/Éphémère/Consommable/Bon marché/Fabriqué en série/Jeune (destiné aux jeunes)... »

L'ambiance se devait donc d'être colorée et permissive. Avant même de pénétrer dans l'espace de l'exposition – empruntant les escalators qui le conduisaient au sommet de la prestigieuse institution –, le visiteur se trouvait soumis à une ambiance musicale qui donnait le ton. À l'encontre d'une conception du pop trop souvent réduite à quelques icônes et au couple États-Unis - Grande-Bretagne, il paraissait essentiel d'en étendre esthétiquement et géographiquement la compréhension à la France, à l'Allemagne ou à l'Italie, notamment.

Caractéristique de l'orientation générale de l'exposition, l'excellente programmation cinématographique entrelaçait des ensembles de films underground d'Andy Warhol, de Martial Raysse, ou de Kenneth Anger et la projection de films (à divers titres) « classiques » tels Jailhouse Rock (1957), avec Elvis Presley, Easy Rider (1968) de Dennis Hopper ou La Chinoise (1967) de Jean-Luc Godard. Cet éclectisme se retrouvait dans les salles de l'exposition. Dominée par les « arts plastiques » (peinture, sculpture...), l'exposition elle-même n'en faisait pas moins une large place à l'architecture et au design. Les projets de villes mobiles du groupe Archigram, les robes sexy de Paco Rabane, les pochettes de disques psychédéliques baignaient dans une ambiance musicale où se distinguait un refrain des Beatles bien de circonstance : It's all too much (C'est beaucoup trop). Un effet de saturation dont le catalogue rend encore mieux compte que l'exposition elle-même.

L'espace pop – tel que le décrivait en effet le sociologue Marshall McLuhan dans les années 1960 – n'est plus visuel mais acoustique : il n'est plus successif ni logique, mais simultané et envahissant. En dernière instance, toutefois, comme le soulignait Laurence Fontaine chargée de la scénographie de l'exposition, l'éclectisme fédérateur du propos n'allait pas sans la recherche d'un « équilibre entre une certaine fluidité et le besoin de cloisonnement ». D'une part, les médiums (design, architecture, arts plastiques, cinéma) étaient distinctement séparés ; de l'autre – malgré des interactions –, un territoire plus ou moins perméable[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Brown, Rhode Island (États-Unis)

Classification