LES ARTS EN FRANCE SOUS CHARLES VII (exposition)
De multiples foyers de création
Amateur de livres précieux à l’instar de son grand-père Charles V (Grandes chroniques de France, vers 1415-1420 et 1455-1460, Bibliothèque nationale de France), Charles VII sait communiquer par les arts et le faste : l’admirable vestige que constitue le Dais royal tissé peut-être sur un carton du peintre de cour Jacob de Littemont, et acquis par le Louvre en 2009, fait de lui un premier « roi-soleil » qui tient du Ciel sa couronne portée par deux anges. Autour du roi, les « princes des fleurs de lys » (les Orléans, les Anjou, les Bourbons) et les grands officiers, Guillaume Jouvenel des Ursins (Jean Haincelin, Horae ad usum Parisiensem, vers 1445-1450, acquis en 1998 par la Bibliothèque nationale de France), Jacques Cœur, Étienne Chevalier, Simon de Varie, Dreux Budé, Laurens Gyrard, Prigent de Coëtivy ne sont pas en reste en matière de commandes artistiques et d’emblématique.
Si le royaume peu à peu reconquis et réorganisé n’offre, en matière artistique, rien d’équivalent aux Pays-Bas bourguignons et à l’Italie, les commanditaires laïques et religieux ne manquent pas, et les foyers de production, villes, États féodaux et apanages princiers sont actifs et variés. Le gothique international qui avait triomphé autour de 1400 se transforme dans toutes les techniques, grâce à la circulation des modèles qui renouvellent les formes. Les poignantes illustrations des Grandes Heures de Rohan, peut-être exécutées à Angers vers 1430-1435 (Bibliothèque nationale de France), le panneau Digne vesture au prestre souverain peint à Amiens en 1437 par le Maître des Heures Collins (musée du Louvre), les délicieux Anges aux armes de Jean V de Bueil et d’Anne de Monjean, sculptures à l’origine polychromes (après 1456 ; musée des Beaux-Arts, Tours), le vitrail lyonnais des Joueurs d’échecs (vers 1450 ; musée de Cluny) ou encore les expressives Miséricordes des stalles de la cathédrale de Rouen (1458-1467) illustrent superbement, entre autres exemples, cette floraison.
Paris, longtemps aux mains des Anglais, joue évidemment un rôle de brassage et de synthèse dans cette évolution. Le gisant et les pleurants du tombeau d’Anne de Bourgogne, duchesse de Bedford (vers 1436-1444 ; musée du Louvre), tout en se référant pour les seconds à la tradition bourguignonne, témoignent dans la sérénité du visage de la défunte d’une idéalisation nouvelle qui n’est pas sans évoquer la sculpture italienne.
Les destructions et l’anonymat de nombreux artistes connus seulement par l’enluminure ne permettent pas d’appréhender complètement ce qui se joue à partir des années 1430 en matière artistique dans le royaume. Paris, le comté de Provence – que gouverne René d’Anjou, amateur d’art, lettré et poète lui-même – et le duché de Bourgogne jouent un rôle essentiel par leur richesse et leur influence. Barthélemy d’Eyck, parent possible de Jan Van Eyck (Retable de l’Annonciation d’Aix (1443-1444 ; Aix-en-Provence, église de la Madeleine, déposé au musée du Vieil Aix) et André d’Ypres, auteur du triptyque de Dreux Budé, reconstitué pour l’occasion (vers 1450, musée du Louvre ; The J. Paul Getty Museum, Los Angeles ; musée Fabre, Montpellier) sont les noms qui émergent. Diffusé par la cour de Bourgogne, l’arsnova flamand – médium à l’huile, réalisme illusionniste, recherche de spatialité – pénètre jusqu’en Italie du Sud alors que la première Renaissance italienne – conquête de la perspective, retour à l’antique, expression psychologique – s’immisce aussi lentement, grâce notamment aux échanges diplomatiques et au mécénat du roi René, qui fait travailler le sculpteur Francesco Laurana et le peintre Giovanni Bellini. La place éminente d’Enguerrand Quarton en Provence était quant à elle évoquée par l’œuvre d’un disciple, la Pietà de Tarascon[...]
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Écrit par
- Robert FOHR : historien de l'art
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