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LES BOULEVARDS DE CEINTURE, Patrick Modiano Fiche de lecture

Après La Place de l'Étoile (1968) et La Ronde de nuit (1969), Les Boulevards de ceinture est le troisième roman de Patrick Modiano. Publié en octobre 1972, le livre, très bien accueilli par la critique comme par le public, reçoit le grand prix du roman de l'Académie française.

Le jeune écrivain – il n'a que vingt-sept ans et en annonce deux de moins : il prétendra longtemps être né en 1947, l'année de naissance de son frère Rudy, mort à l’âge de 10 ans et auquel le livre est dédié – occupe alors dans le paysage littéraire français une place singulière, aussi éloignée de la radicalité des avant-gardes que de l'académisme auquel certains ont voulu le renvoyer, en raison de son succès et d’une écriture en apparence classique. Au-delà du décor commun à ses trois premiers romans, le Paris de l'Occupation, il installe un style qui associe une écriture à la « ligne claire » et une narration déstructurée et protéiforme. Mais c'est surtout le climat « de demi-sommeil ou de rêve éveillé », lié à la « recherche perpétuelle de quelque chose de perdu, la quête d'un passé brouillé qu'on ne peut élucider », qui fait l'unité d'une œuvre construite livre après livre comme autant de chapitres d'un même roman et couronnée en 2014 par le prix Nobel de littérature.

Une recherche de paternité

Comme la plupart des romans de Modiano, Les Boulevards de ceinture prend la forme d'une enquête. Contemplant une vieille photographie sur les lieux mêmes où elle fut prise, à l'auberge du Clos-Foucré, dans un village de Seine-et-Marne, le narrateur, Serge Alexandre, se revoit à cette même place des années plus tôt, en train d’observer un groupe d'une demi-douzaine de personnes. Celles-ci se retrouvent là chaque fin de semaine, à l'auberge ou dans les luxueuses villas qu'elles occupent en l'absence de leurs propriétaires. Le narrateur parvient à s'introduire dans la petite bande dont il devient un familier. Il y a là, outre son père qu'il n'a pas revu depuis dix ans – il se fait appeler le baron Chalva Deyckecaire et semble se livrer à d'obscurs trafics –, Jean Murraille, directeur d'un sordide journal de dénonciations, le « comte » Guy de Marcheret, un ex-légionnaire gigolo et parasite, Maud Gallas, une ancienne chanteuse devenue tenancière du Clos-Foucré, Annie Murraille, la fille de Jean, actrice de deuxième ordre et fiancée de Marcheret, et Sylviane Quimphe, jeune femme aux mœurs légères, héritière d'un riche amant. Tous sont « des déclassés, des marginaux » qui ont profité de « ces temps troublés » – nous sommes sous l'Occupation, même si le mot n'est jamais prononcé.

Tout en scrutant son père, qui ne l'a apparemment pas reconnu, le narrateur se remémore leur première rencontre, le jour où, après son baccalauréat, il était venu le chercher à la pension où il avait passé toute son enfance et son adolescence. Ils ont vécu plusieurs mois ensemble, dans divers appartements parisiens, le père associant son fils à ses affaires à la limite de l'escroquerie : il s'agissait de vendre à des bibliophiles de prétendues éditions originales d'ouvrages faussement dédicacés par leurs auteurs. Tous deux sillonnaient Paris la nuit en voiture, fréquentaient des lieux plus ou moins interlopes – bars, maisons de passe... Mais leur cohabitation s'est achevée sur un épisode traumatique : le narrateur est tombé d'un quai du métro, en a réchappé par miracle et, convaincu que son père l'avait poussé, a cessé de le voir.

Dix ans plus tard, il décide pourtant de partir à sa recherche et retrouve sa trace au Clos-Foucré, où les dîners et les soirées se succèdent. Il devient l'amant de Sylviane Quimphe, et rédige des nouvelles érotiques pour le journal[...]

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  • MODIANO PATRICK (1945- )

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    ...tard d'une leucémie. Patrick Modiano s'est brouillé, à l'âge de dix-sept ans, avec son père, et ses livres ne cessent d'interroger sa mémoire. Dans les Boulevards de ceinture, le narrateur part en quête de ce père à la fois trafiquant de marché noir et juif traqué : les romans de Modiano mettent en évidence...