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LES CHANTS DE MALDOROR, Lautréamont Fiche de lecture

Un auteur sans image réclamant son « anéantissement complet » (Isidore Ducasse, alias le comte de Lautréamont, 1846-1870). Un livre sans auteur, une épopée sans héros assignable, deux noms (Lautréamont, Maldoror) que qualifient leur disparition protéiforme, leur richesse de calembours ou leur pouvoir mythique : Les Chants de Maldoror occupent dans l'histoire de la poésie, de la littérature et de la pensée une place radicalement singulière. La « lave noire » de ce livre saluée par Léon Bloy, le vertige qui saisit Blanchot à sa lecture ou le rêve inquiétant d'une « autre réalité » admiré par Le Clézio prennent sens – et ce depuis l'édition de 1869, jamais publiquement mise en vente – dans la résistance unique de cette œuvre à toute forme d'éclaircissement univoque. D'autant plus singuliers que composés, pour une part, d'emprunts immédiats ou obscurs à une bibliothèque entière d'autres livres, Les Chants de Maldoror paraissent offrir au lecteur une surface infinie, exigeant cependant une morale précise : « Toute l'eau de la mer ne suffirait pas à laver une tache de sang intellectuelle... »

Les métamorphoses de Maldoror

Il faut attacher une importance particulière à la composition formelle de ce livre d'aventures, de métamorphose et d'éthique : six chants, unis par le nom qui désigne Maldoror, lequel « fut bon » (chant I), aima la femme du requin (chant II), combattit sous forme d'un « être imaginaire » avec la force d'un dragon et la faiblesse de l'espérance abattue (chant III), disparut et reparut dans la variation de la « multiplicande » métamorphose (chant IV), avant, dans le chant V, d'affronter la mort et de s'ouvrir l'accès à l'arbre de la vie : « Il contemple la lune qui verse, sur sa poitrine, un cône de rayons extatiques, où palpitent, comme des phalènes, des atomes d'argent d'une douceur ineffable. Il attend que le crépuscule du matin vienne apporter, par le changement de décors, un dérisoire soulagement à son cœur bouleversé. » Le sixième chant voit la rencontre de Mervyn et de Maldoror, et un « petit roman de trente pages » et huit chapitres qui prépare la dernière mutation : tournoyant au bout d'une corde autour de la colonne Vendôme, Mervyn « va frapper le dôme du Panthéon », et son cadavre y reste accroché, tenant « entre ses doigts crispés, comme un grand ruban de vieilles fleurs jaunes ». Le lecteur est averti du caractère exact de ce récit, de l'exigence ultime de ces chants, par une dernière suggestion : « Allez-y voir vous-même, si vous ne voulez pas me croire. »

De nombreuses reprises, ellipses ou redéploiements assurent au mouvement général du livre une dynamique dont les modèles sont explicitement empruntés à la nature (vol d'oiseaux, maelström, aimantation magnétique, vrilles du python), alors que la figure héroïque de Maldoror, le « vivant » cruel et dépossédé, a pour vocation d'accélérer le trouble, de synthétiser l'action humaine jusque dans l'espace urbain d'un quartier d'étudiants.

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Pau et des pays de l'Adour, faculté de Bayonne

Classification

Autres références

  • LAUTRÉAMONT ISIDORE DUCASSE dit COMTE DE (1846-1870)

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  • FRANÇAISE LITTÉRATURE, XIXe s.

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