LES CHOSES QU'ON DIT, LES CHOSES QU'ON FAIT (E. Mouret)
Fidèle aux mêmes producteur (Frédéric Niedermayer), chef opérateur (Laurent Desmet), ingénieur du son (Maxime Gavaudan), monteur (Martial Salomon), décorateur (David Faivre), Emmanuel Mouret, né en 1970, célèbre son dixième long-métrage avec Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait (2020). Dès ses premiers films (Changement d’adresse, 2006 ; Un baiser s’il vous plaît !, 2007), cet acteur-réalisateur-scénariste incarne une figure burlesque originale dans le cinéma français, celle d’un faux naïf exprimant, sous les apparences de la comédie légère, une réflexion sur l’amour et la séduction avec une gravité comique inattendue. Acteur dans six de ses dix films, il n’a cessé d'approfondir son propos avec des scénarios habiles et une sûreté expressive assez rare.
S’avancer masqué
Dans ses films, les passions inconscientes sont masquées par un flot de paroles. Pourtant, Emmanuel Mouret n’est pas un bavard, c’est un cinéaste dont tous les plans sont concertés, équilibrés, justes. Il dissimule sous les dehors de la simplicité un raffinement qui rappelle les grands classiques américains. Comme eux, il aborde clairement les questions sexuelles en feignant la pudeur, et les passions retorses en feignant la légèreté. Après son adaptation d’un fragment du Jacques le Fataliste de Diderot dans Mademoiselle de Joncquières (2018), il confirme son évolution vers une gravité plus affirmée avec Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait. Il s’y montre fidèle à la place de la parole comprise comme section rythmique de ses films, pour reprendre une métaphore jazzistique. Mais il est moins dans le burlesque quelque peu mélancolique de ses débuts. Ce qui reste de la comédie est la cascade des amours plus ou moins partagées et plus ou moins secrètes. Sans oublier les recettes habilement renouvelées des entrées et des sorties chères à Sacha Guitry.
Il s’agit de parcourir le labyrinthe de sentiments où s’égarent quatre hommes et quatre femmes, des citadins dans la trentaine, hésitants et passionnés, dont les désirs apparemment feutrés tressent un récit, que Mouret complique à plaisir – la complexité étant au fond l’un des sujets du film. Au départ, une rencontre fortuite entre un écrivain timide (Niels Schneider, parfait dans la retenue et l’inquiétude) et une jeune femme enceinte qui évoquera les théories du philosophe René Girard sur le mimétisme du désir (Camélia Jordana, illustrant avec délicatesse cette intrication de sentiments). Par la suite s’y adjoindront notamment son amoureux (Vincent Macaigne, d’une sobriété inhabituelle et très convaincante) et une femme abandonnée, décidée à accomplir une vengeance inattendue (Émilie Dequenne).
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Écrit par
- René MARX : critique de cinéma
Classification
Média