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LES CHOSES. UNE HISTOIRE DE LA NATURE MORTE (exposition)

Dans le cadre de sa politique d’ouverture à la pluralité des expressions artistiques de toutes les époques et civilisations, le musée du Louvre a organisé une exposition thématique inédite et foisonnante : Les Choses. Une histoire de la nature morte (12 octobre 2022-23 janvier 2023). L’historienne de l’art Laurence Bertrand Dorléac, professeure à Sciences Po Paris, qui a conçu ce projet et en a assuré le commissariat, a donné ainsi une suite spectaculaire à son livre Pour en finir avec la nature morte (Gallimard, 2020), où elle appelle à reconsidérer la permanence et la polysémie de ce genre artistique et à en dépasser les définitions académiques. « En donnant, écrit-elle, une forme aux choses de la vie, ils [les artistes] parlent de nous, de notre histoire depuis toujours : de nos attachements, de nos peurs, de nos espoirs, de nos caprices, de nos folies. » Certes, et cela ne va pas sans évoquer le Roland Barthes du « Qu’est-ce que ça veut dire ? » (Roland Barthes par Roland Barthes, 1975).

Le parcours, qui rassemblait 169 œuvres de la préhistoire à nos jours, se caractérisait par la diversité des techniques et des supports – de la peinture murale à la mosaïque, du panneau à la toile, de la céramique à la sculpture, à l’objet inventé et à l’installation, du dessin au collage, à la photographie et au cinéma ‒ et se décomposait en quinze sections qu’il est évidemment impossible de décrire ici. On les retrouvera dans le catalogue, complété par un « Chosier », thesaurus assez hétéroclite, quant aux auteurs, de textes et d’images relevant de disciplines diverses : histoire de l’art, histoire, lettres, philosophie, archéologie, anthropologie, sociologie, économie, droit, poésie, gastronomie, botanique, dessin… « Comme les choses intéressent tout le monde, parce qu’elles sont à tout le monde, elles requièrent des approches variées », souligne la commissaire.

De l’objet à la marchandise

Le fil conducteur était donc explicite, « le dialogue entre les œuvres du présent et celles du passé, entre nos mentalités d’aujourd’hui et celles de nos ancêtres » avec, en préambule, une sorte de condensé où se côtoyaient, entre autres, sous le titre « Ce qui reste », un estampage de 1866 des haches gravées sur les dalles du cairn de Gavrinis (vers 3500 avant notre ère, Saint-Germain-en-Laye, Musée d’archéologie nationale), la Stèle de Senousret (provenant d’Abydas, vers –1963 av. J.-C.) musée du Louvre, Paris), Les Habits de François C. de Christian Boltanski (1971-1972, collection Daniel Bosser, Paris), la Madeleine à la veilleuse, vers 1640 (?) de Georges de La Tour (musée du Louvre, Paris) et, judicieusement mis en regard, le Scarecrow de Buster Keaton (1920, collection Lobster Films, Paris) et Le Repas hongrois de Daniel Spoerri (1963, Musée national d’art moderne, Centre Georges-Pompidou, Paris). Autant de traces de la prégnance des choses dans la vie des hommes, de la préhistoire à nos jours.

<em>Nature morte aux légumes</em>, F. Snyders - crédits : Staatliche Kunsthalle Karlsruhe ; CC0

Nature morte aux légumes, F. Snyders

L’émancipation des objets qui existait déjà dans les gracieuses peintures murales de l’antiquité gréco-romaine, échos des raisins de Zeuxis, un des mythes fondateurs de l’histoire de la peinture, mais aussi de la vie quotidienne des Romains, revient en force à la Renaissance dans les marqueteries de Vincenzo da Verona, où l’illusion tire parti des lois de la perspective (Padoue, 1520-1523, musée du Louvre, Paris). Puis c’est la dimension économique des choses que mettent en scène les majestueux étalages de la peinture nordique, telle la Nature morte aux légumes de Frans Snyders (vers 1610, Staatliche Kunsthalle, Karlsruhe), où les paysans producteurs sont relégués à l’arrière-plan, puis Fruits et riche vaisselle sur une table de Jan Davidsz de Heem (1640, musée du Louvre, Paris), dont Matisse a mis en lumière la géométrie savante dans Nature morte d’après[...]

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<em>Nature morte aux légumes</em>, F. Snyders - crédits : Staatliche Kunsthalle Karlsruhe ; CC0

Nature morte aux légumes, F. Snyders