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LES COMBATS POUR LA NATURE (V. Chansigaud) Fiche de lecture

L’homme dans la nature

Valérie Chansigaud a choisi sept propositions. « Population et ressources » évoque la thèse selon laquelle il existe trop d’humains sur la planète. Avec son Essai sur le principe de population, Malthus a lancé cette controverse au début du xixe siècle, au moment où le développement industriel de la Grande-Bretagne s’amorce. Directement liée au progrès industriel, la polémique dure depuis presque deux siècles sans trouver de conclusion définitive. Mais sait-on que ces débats issus d’une analyse essentiellement politique de Malthus ont débouché sur de grandes questions environnementales comme les limites de la planète, le progrès en agriculture ou l’usage des statistiques ?

Peut-on réconcilier « progrès et nature » ? À la vision de Malthus et toujours dans le contexte du développement qui gagne l’Europe et l’Amérique du Nord succède la pensée optimiste de George P. Marsh, Élisée Reclus et Henry George, artisans d’un progrès contrôlable, positif pour l’humain, qui réconcilierait l’homme et la nature. Une illustration inattendue en est la politique de parcs nationaux pour préserver et mettre en évidence les richesses de la nature. Un corollaire en est la place croissante donnée aux experts écologues.

« Les mille visages idéologiques du lien avec la nature » permettent de percevoir la pauvre spiritualité « naturelle » de certains contemporains, pas très éloignée d’une sorte de nostalgie rousseauiste des temps anciens, tout autant que la prétention teintée de démesure d’une approche purement scientifique ou technique de la nature.

« C’est la faute à la consommation » ou plutôt au développement économique… Bernard de Mandeville lance la discussion dès le début du xviiie siècle avec sa Fable des abeilles, débat qui perdure sur les conditions et conséquences de l’enrichissement de quelques-uns, dont la théorie du ruissellement est une transposition récente.

« La pollution invisible » traite de la face noire des problèmes environnementaux et des stratégies pour dissimuler tant les risques que les substances dangereuses elles-mêmes.

« Les limites fluctuantes entre le local et le global » sont en fait très étroitement associées au chapitre précédent : le cas de l’intoxication par le mercure observée à partir de 1956 à Minamata (Japon) est en effet l’exemple d’un phénomène local à l’origine, mais producteur de conséquences bien plus générales.

Enfin, « Des discours théoriques à l’action » démontre le bilan mitigé des politiques tandis qu’il démonte les stratégies conservatrices en matière d’environnement. Donald Trump est bien le produit de quarante ans de dérégulations.

Ainsi, les débats et les combats actuels sur la nature et la place que l’homme doit y trouver ont-ils accompagné les changements culturels, politiques et économiques amorcés au xviiie siècle. Les idées et les implicites qui les sous-tendent n’ont guère varié depuis. Les acteurs des combats pour la nature sont profondément hétérogènes parce que leurs inspirations balayent le paysage de la pensée, de l’anarchisme au fascisme, du rationalisme au spiritualisme.

Dès lors, les attitudes oscillent entre l’abandon à la logique des marchés – tradition positiviste – et l’abandon à la logique de la nature – tradition néo-paganiste –, sans aucune garantie d’effets positifs. La position personnelle de l’auteure trouve un juste milieu. Puisque les mouvements en faveur de la nature ont en commun de s’organiser autour de la question du progrès social, « redonner une place centrale à ce dernier dans la défense de la nature permettrait de la rendre plus désirable, mais aussi plus réaliste et plus pragmatique ».

— Gabriel GACHELIN

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur