LES CONFESSIONS, Jean-Jacques Rousseau Fiche de lecture
Les Confessionsde Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) furent publiées en 1782 parmi ses Œuvres posthumes (pour les livres I à VI, qui concernaient la jeunesse de l'auteur), puis comme supplément à cette collection, en 1789 seulement, plus de dix ans après sa mort (pour les livres VII à XII, qui touchaient plus directement les contemporains). Si le projet de Rousseau s'inscrit dans la tradition religieuse de l'introspection, dominée par les Confessions d'Augustin, il tire plus précisément son origine des attaques et des condamnations dont est l'objet l'auteur du Discours sur l'inégalité, de l'Émile et du Contrat social.
En 1762, Rousseau écrit au directeur de la Librairie qu'il compte parmi ses amis, Malesherbes, quatre lettres où il esquisse un bilan de sa vie. Puisque ses principes et ses livres sont mis en cause, son honnêteté suspectée, c'est sa vie même qu'il veut exposer pour se défendre. Les persécutions le poussent à revendiquer une attitude de solitude superbe : « Voici le seul portrait peint exactement d'après nature et dans toute sa vérité, qui existe et qui probablement existera jamais », affirme une note liminaire. « Je forme une entreprise qui n'eut jamais d'exemple et dont l'exécution n'aura point d'imitateur », répète l'ouverture du livre premier. Rousseau rédige son manuscrit durant ses années de fuite et d'exil. De retour à Paris en 1770, il entreprend des lectures de l'œuvre qui provoquent des réactions scandalisées de ses anciens amis encyclopédistes et qui sont interdites.
« Un homme dans toute la vérité de la nature »
Le texte suit chronologiquement la vie de l'auteur. Le premier livre évoque les souvenirs avec le père veuf à Genève, puis chez le pasteur Lambercier à la campagne. L'idylle est rompue par la découverte de la jouissance (au cours d'une fessée infligée par Mlle Lambercier) et de l'injustice (lors d'une punition imméritée). La condition d'apprenti chez un graveur genevois aggrave la scission entre un réel décevant et un imaginaire nourri de lectures. Jean-Jacques atteint sa seizième année, « inquiet, mécontent de tout et de [lui] ». Une promenade en dehors de Genève se transforme en fugue irréversible, lorsque, un soir, il trouve fermées les portes de la ville. Le livre II marque les changements de son existence, avec la conversion au catholicisme à Turin et les places de laquais qu'il lui faut accepter. Mais le vol d'un ruban dont il fait accuser une innocente réveille le sentiment de culpabilité. Les livres III et IV sont ceux de la détresse morale et matérielle, de l'errance entre Turin et Chambéry, Lyon et Lausanne. Jean-Jacques devient un aventurier sans principes. Les livres V et VI couvrent une dizaine d'années auprès de Mme de Warens. Il devient l'amant de « Maman », qu'il partage avec Claude Anet, l'intendant du domaine. Il a un petit emploi au cadastre de Savoie et se consacre à l'étude. Un séjour aux Charmettes, seul avec Mme de Warens, est vécu comme un bonheur absolu, mais des inquiétudes sur sa santé conduisent le jeune homme à Montpellier et lui font perdre sa place auprès de « Maman ». Jean-Jacques monte à Lyon, où il échoue dans sa tentative de devenir précepteur chez les Mably, puis à Paris, en 1742.
Le livre VII qui ouvre la deuxième partie présente le jeune provincial en train de chercher à conquérir la capitale grâce à une méthode nouvelle de notation musicale. Il ne peut qu'accepter une place de secrétaire chez l'ambassadeur de France à Venise, puis à Paris chez les Dupin. Il vit désormais avec une fille du peuple, Thérèse Levasseur, dont il a cinq enfants, tous abandonnés dès la naissance. Il fait la connaissance de Diderot et des encyclopédistes. Le livre VIII correspond à la publication du [...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Michel DELON : professeur de littérature française à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Média
Autres références
-
AUTOBIOGRAPHIE, notion d'
- Écrit par Alain BRUNN
- 1 440 mots
Auto-bio-graphie : écriture de sa propre vie, écriture par soi de sa vie. Le terme est double : au sens large, est autobiographique toute écriture intime ; au sens étroit, l'autobiographie, distincte des Mémoires, du journal intime ou de l'autoportrait, est un genre parmi d'autres de...
-
JOURNAL INTIME, notion de
- Écrit par Elsa MARPEAU
- 995 mots
Un journal intime est composé des notes qu'un narrateur prend quotidiennement (ou du moins régulièrement) sur lui-même, qu'il s'agisse de sa vie courante ou de sa vie intérieure. Il relève donc d'une écriture de l'intime.
Sans que l'on puisse parler de « journaux », Michel...
-
ROUSSEAU JEAN-JACQUES (1712-1778)
- Écrit par Bernard GAGNEBIN
- 4 968 mots
- 2 médias
Victime de l'incompréhension et de la persécution, Rousseau se mit à rédiger ses Confessions, à la fois pour justifier sa conduite et pour éclairer le monde sur sa personnalité. La « lapidation » de Môtiers, puis l'expulsion de l'île de Saint-Pierre interrompirent une première fois ce travail...