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CURIE LES

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Développement de la radioactivité

Identification des radioéléments naturels

Ainsi s'est poursuivi, dans une première voie, le développement de la radioactivité. Cette voie est celle de la recherche d'éléments radioactifs naturels. Les collaborateurs de Pierre et Marie Curie y contribuèrent : Gustave Bémont, associé au travail sur le radium ; André Debierne, qui, en 1899, découvrit l'actinium ; Marguerite Perey, la dernière, qui identifia le francium, en 1937.

De nombreux savants étrangers ont apporté leur part de découvertes, et de nouveaux éléments furent identifiés : radiothorium, mésothorium, émanations de gaz radioactifs (dénommés plus tard radon, thoron, actinon), ionium, thorium X, actinium X ; ensuite furent mis en évidence les constituants des dépôts actifs responsables de la radioactivité induite, nom d'abord donné à la propriété apparente de devenir radioactifs acquise par les corps mis en contact avec une émanation. Peu à peu, on établit entre eux des filiations, et les trois familles de radioéléments naturels se constituèrent, issues respectivement de l'uranium, du thorium et de l'actinium (celui-ci descendant de l'actino-uranium, qui a été, beaucoup plus tard, identifié à l'isotope 235 de l'uranium), lorsqu'on eut compris la filiation qui fait apparaître successivement différents radioéléments à partir de ces trois éléments de très longue vie, jusqu'à aboutir à un plomb stable. Accessoirement, on a trouvé une faible radioactivité dans le potassium ainsi que dans le rubidium. On savait en outre que certains radioéléments émettent de l'hélium.

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Dans son Traité de radioactivité, Marie Curie donne, en 1910, un tableau de l'ensemble des radioéléments connus ; ceux qui présentent quelques analogies sont placés sur la même ligne.

Radioéléments connus en 1910 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Radioéléments connus en 1910

Les trois familles de radioéléments lourds naturels - crédits : Encyclopædia Universalis France

Les trois familles de radioéléments lourds naturels

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Pour des raisons scientifiques, et parce que les radioéléments utilisés en thérapeutique étaient préparés et vendus par l'industrie, il fut nécessaire de mesurer les quantités de ceux-ci contenues dans une source, le contrôle ne pouvant se faire facilement que par des comparaisons d'intensités de rayonnement.

Marie Curie consacra de longs efforts à purifier et à peser une quantité d'environ 16 mg de chlorure de radium qui, placée dans une ampoule scellée, devint, en 1911, le premier des étalons de radium, dit « étalon Marie Curie », actuellement conservé à l'Institut du radium de Paris (appelé maintenant Institut Curie). L'unité de radioactivité fut fondée sur le nombre de désintégrations par seconde qui se produit dans une source. Elle a reçu le nom de curie (symbole Ci) et correspond à 3,7 × 1010 désintégrations par seconde. La radioactivité de 1 g de radium est très voisine de 1 Ci.

Radioactivité et théorie de l'atome

Ernest Rutherford avait élaboré, en 1912, un modèle d'atome où des électrons gravitaient autour d'un noyau positif. En 1913, Niels Bohr y introduisit la notion de quantum d'action, proposée par Max Planck en 1900, et donna à ce modèle une forme quasi définitive.

Les connaissances acquises en radioactivité ont, dès lors, commandé l'évolution de la théorie atomique.

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L'idée de transmutation se précise quand plusieurs savants, dont E. Rutherford, sir Frederick Soddy et Kasimir Fajans, énoncent la « loi de changement de valence », d'où il résulte que certains radioéléments viennent occuper des places encore vides de la classification et que d'autres sont à la même place que des éléments stables connus. Dans une même case, les éléments se distinguent par leurs masses atomiques différentes ; ainsi apparaît la notion d' isotopes (F. Soddy) ; Francis William Aston réussit à séparer des isotopes mélangés dans les éléments stables naturels. Seuls les éléments 43 et 85 n'existent pas dans la nature, ni ceux de numéro supérieur à 92. Ils apparaîtront plus tard, créés par transmutation artificielle, comme des éléments radioactifs.

Dans son Traité de radioactivité de 1934, Marie Curie peut ainsi classer les radioéléments et présenter un tableau des trois familles de radioéléments lourds naturels.

Sous une forme actuelle, ce tableau serait complété par d'autres éléments. Un certain nombre de symboles ne sont plus utilisés, mais remplacés par celui de l'isotope principal de même numéro, accompagné du nombre de masse (par exemple, actino-uranium Y : 23190Th).

Radioactivité et théorie du noyau atomique

D'abord simplement identifiés, les rayonnements α, β et γ (ces derniers de même nature que les rayons X) font l'objet de mesures d'intensité et d'énergie, et des relations énergétiques apparaissent entre les rayonnements accompagnant une même transmutation. On admet l'hypothèse que les noyaux stables (ou ceux qui sont radioactifs, avant leur transmutation) possèdent une énergie interne, que la loi de la relativité d'Einstein a identifiée à une partie de leur masse. Dans le bilan des masses correspondant à une transmutation, une très légère perte correspond à l'énergie du rayonnement. Ces notions, prévues par les théoriciens, se trouvèrent éclairées en 1929, lorsque, dans le laboratoire de Marie Curie, Salomon Rosenblum, utilisant des sources d'une qualité exceptionnelle préparées par Marie Curie, découvrit la structure fine des rayons α. Dans un champ magnétique, ces rayons suivent une trajectoire dont la courbure dépend de leur énergie cinétique et permet de mesurer celle-ci. Par analogie avec la spectroscopie optique, on avait distingué différentes raies α, caractéristiques des transmutations. Dès 1929, au moyen d'une technique très améliorée, Salomon Rosenblum a montré que chaque raie intense est accompagnée de raies voisines plus faibles.

Cela s'accordait avec la théorie de Gamow, qui supposait que des particules α circulent à l'intérieur du noyau sur différentes orbites, ayant chacune une énergie propre, comme les électrons planétaires à l'extérieur du noyau, selon le modèle atomique de Bohr-Rutherford. Dans les deux cas, on associe divers nombres quantiques aux orbites. La spectroscopie nucléaire s'édifia ainsi, comme celle de l'atome avait été construite à partir des spectres optiques et des spectres de rayons X.

Transmutations artificielles, radioactivité artificielle

Les progrès effectués dans la connaissance du noyau atomique furent ainsi toujours liés à l'observation des transmutations radioactives, qui fournirent en outre, avant l'invention des grands accélérateurs, des particules de haute énergie capables de pénétrer dans les noyaux et d'y apporter des perturbations. Ainsi E. Rutherford, dès 1919, en bombardant de l'azote avec des particules α, avait obtenu la première transmutation artificielle, dont le résultat est un isotope stable de l'oxygène, accompagné de l'émission d'un proton :

En 1932, mettant en évidence l'émission de protons par des éléments soumis à l'action de particules α, Irène et Frédéric Joliot-Curie firent un pas important vers la découverte expérimentale du neutron dont l'existence, prévue théoriquement, fut établie par sir James Chadwick.

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En 1934, disposant de sources de polonium extrêmement intenses dans le laboratoire de Marie Curie, Irène et Frédéric Joliot-Curie réussirent à provoquer à leur tour des transmutations dont les éléments résultants sont radioactifs. Cette découverte de la radioactivité artificielle, récompensée par le prix Nobel de chimie, en 1935, ouvrit la voie à la création de plusieurs centaines d'isotopes radioactifs de tous les éléments connus.

Dans cette voie, Irène et Frédéric Joliot-Curie poursuivirent une brillante carrière. Frédéric Joliot-Curie fut nommé, en 1937, professeur au Collège de France. Avec Irène Joliot-Curie, qui travaillait toujours dans le laboratoire de l'Institut du radium, dirigé par André Debierne depuis 1934, puis par elle-même, il apporta une importante contribution à l'étude de la fission, découverte, en 1938, par Otto Hahn et Fritz Strassmann, et sut prévoir la possibilité de réactions en chaîne.

En effet, des brevets déposés par Frédéric Joliot-Curie, avec Hans Halban, Lew Kowarsky et Francis Perrin, établirent, dès 1939, les conditions de fonctionnement et de régulation d'un réacteur à uranium tel qu'il sera réalisé, en 1942, par Enrico Fermi. Ayant prévu l'utilisation de l'eau lourde comme ralentisseur des neutrons, F. Joliot-Curie en constitua un stock, qu'il fit transporter clandestinement en Angleterre, en 1940. La bataille de l'eau lourde est un épisode célèbre de la lutte engagée, pendant la guerre de 1939-1945, pour l'utilisation de l'énergie nucléaire.

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En 1945, Frédéric Joliot-Curie devint directeur général du Centre national de la recherche scientifique, puis commissaire à l'énergie atomique, avant de prendre en charge, en 1956, à la mort d'Irène Joliot-Curie, la direction de l'Institut du radium et la chaire de radioactivité à la Sorbonne.

Réactions nucléaires, fission, fusion

Ainsi s'édifia ce qu'on a appelé, au début, la chimie nucléaire. Comme en chimie, on peut établir la formule de réactions où l'on fait un bilan des masses, des charges et des énergies échangées, en même temps que des règles sont établies concernant les nombres quantiques associés aux noyaux et aux particules.

La réaction :

représente l'action de particules α sur l'aluminium, avec laquelle Irène et Frédéric Joliot-Curie ont obtenu le premier radioélément artificiel, isotope de masse 30 du phosphore, qui se désintègre ensuite avec émission d'un positon :

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Irène et Frédéric Joliot-Curie identifièrent, par ses propriétés chimiques, l'élément formé.

Le neutron, dépourvu de charge, pénètre facilement dans les noyaux qu'il rencontre et permet de découvrir un nouveau mode de transmutation : la fission. Un noyau lourd absorbant un neutron peut devenir un édifice instable, qui se sépare en deux atomes de masse moyenne en libérant une quantité d'énergie énorme.

Frédéric Joliot-Curie a montré que la fission est accompagnée de l'émission de neutrons qui peuvent produire d'autres fissions, c'est-à-dire des réactions en chaîne (soit lentes dans les réacteurs, soit explosives dans les bombes).

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Inversement, pour des éléments légers, l'énergie augmente avec la masse, et la fusion de deux noyaux peut donner naissance à un noyau plus lourd avec émission d'énergie.

Physique des particules

Les transmutations naturelles ou artificielles et les réactions nucléaires sont accompagnées de l'émission de particules possédant une grande énergie ; et l'étude de ces particules s'est développée parallèlement à la radioactivité. Le besoin de sources plus intenses et de particules plus énergiques a déterminé le développement d'accélérateurs qui ont permis d'atteindre des énergies beaucoup plus grandes.

Dans son laboratoire du Collège de France, Frédéric Joliot-Curie entreprit, en 1938, la construction du premier cyclotron européen.

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Écrit par

  • : docteur ès sciences, lauréat de l'Institut, directeur de recherche honoraire au C.N.R.S.

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Marie et Pierre Curie - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Marie et Pierre Curie

Marie Curie (1867-1934) - crédits : Encyclopædia Universalis France

Marie Curie (1867-1934)

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