CUYP LES
Installée à Dordrecht, la famille des Cuyp donna à la Hollande du xviie siècle plusieurs grands peintres, dont le plus célèbre est Albert Cuyp.
Jacob Gerritz Cuyp, né en 1594 à Dordrecht, y meurt en 1652. Élève de Blomaert à Utrecht, il travailla toujours par la suite à Dordrecht où il s'inscrit à la gilde dès 1617, à l'exception d'un court voyage à Amsterdam en 1625. Sa spécialité est le portrait, où il fait merveille par sa scrupuleuse véracité psychologique comme par la sobriété de sa palette volontairement limitée à des noirs, des gris et des blancs raffinés, comme chez ses contemporains Mierevelt, Elias ou Keyser. Les fonds sont toujours neutres et les modèles généralement représentés de face et en buste : Portrait d'homme du musée de Metz ou Officier du musée Boymans à Rotterdam. De sa formation maniériste à Utrecht, il a gardé le goût des portraits collectifs, grandeur nature, d'enfants jouant avec des animaux, tels les Deux Enfants du musée de Cologne (1638) ou la Pastorale du musée Ingres à Montauban. La référence souvent conventionnelle au monde théâtral des bergeries et des idylles est dans ces tableaux essentielle. Souvent ces représentations ont une signification symbolique : ainsi le Jeune Homme avec son oie (« monnaie fait tout ») fait pendant à une jeune fille tenant un panier d'œufs (musée du Louvre). De Jacob Cuyp on connaît enfin quelques tableaux représentant des poules, très comparables à ceux de Gysbert d'Hondecoeter. Ici encore, la filiation maniérisme-réalisme est très significative.
Benjamin Gerritz Cuyp, né à Dordrecht en 1612, meurt dans cette ville en 1652. Élève de son demi-frère Jacob, il appartient pourtant à un monde différent, celui des peintres d'histoires rembranesques. Des effets de lumière intenses et féeriques d'un rayonnement souvent surnaturel, une écriture pleine de virtuosité, un réalisme rustique et savoureux (le goût des « bonshommes » à la Van Ostade, les gueux flamands), une monochromie attachante de bruns et de gris rehaussés d'accents de lumière dorée rendent sa manière très reconnaissable et lui assignent une place honorable entre les rembranesques fantastiques (Bramer, le Pseudo-Van de Venne) et les rembranesques rustiques (Van Ostade et le courant de Rotterdam, Kalf, Van der Poel).
Albert Cuyp est né à Dordrecht en 1620, il y meurt en 1691. Élève de son père et de son oncle, il pratique tous les genres (portrait, nature morte, même si c'est au paysagiste qu'on s'intéresse le plus actuellement). Dans ses portraits, Albert Cuyp se souvient, à travers l'art de son père, d'artistes maniéristes, tel Abraham Blomaert ; citons par exemple les Portrait d'enfants des musées d'Innsbruck, de Copenhague et de Douai. Pour les paysages, qui restent sa meilleure spécialité, Cuyp subit d'abord l'influence de Jan van Goyen : on retrouve le coloris gris, subtil, et les empâtements dorés caractéristiques de ce maître dans des peintures telles que la Vue de la plaine de Rhenen de Dulwich College ou le pathétique Coup de soleil sur une dune du musée Boymans à Rotterdam. Puis, Cuyp fut séduit par la manière ensoleillée et idéalisante de Jan Both, chef de file de l'école d'Utrecht, qui, rentré d'Italie en 1641, donnait à ses tableaux un éclat lumineux et une subtilité d'atmosphère jusqu'alors inconnus en Hollande. Ainsi vers 1650, sans avoir jamais visité lui-même l'Italie, Cuyp commence à peindre des paysages très éclairés et très vastes, aux lignes rigoureuses et apaisées, s'attachant toujours à creuser l'horizon par un premier plan qui sert de repoussoir et attire le regard vers le fond de la composition : horizon urbain ou campagnard. Le grand Paysage du Louvre est un parfait exemple de la poétique sûre et familière de Cuyp : le peintre,[...]
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Écrit par
- J. BOUTON : auteur
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