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LES DÉMONS, Fiodor Dostoïevski Fiche de lecture

Dostoïevski - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Dostoïevski

Les Démons, de Fiodor Dostoïevski (1821-1881), parurent dans Le Messager russe, une revue libérale de droite, entre janvier et novembre 1871 pour les deux premières parties et en novembre-décembre 1872 pour la troisième partie. Il s'agit du troisième roman-tragédie de l'écrivain après Crime et Châtiment (1866) et L'Idiot (1868), avant L'Adolescent (1875) et Les Frères Karamazov (1879-1880).

L'intrigue principale du roman a été inspirée par un fait divers retentissant. Le 3 décembre 1869, dans le parc d'un institut agronomique situé à la périphérie de Moscou, les cinq membres de la société secrète La Vindicte du peuple, dirigée par Serge Nétchaïev, avaient assassiné pour insoumission l'étudiant Ivanov.

Genèse d'un assassinat

Dans le roman, le lecteur assiste, sur fond de chronique provinciale au vitriol, à la transformation d'un cercle de rêveurs, disciples du théoricien socialiste Charles Fourier (1772-1837), en un groupuscule de cinq révolutionnaires que leur meneur, venu de l'étranger, cherche à cimenter en organisant l'assassinat collectif d'un repenti. Cette intrigue, toutefois, est longue à se mettre en place. Elle ne démarre vraiment qu'à la fin de la première partie avec l'arrivée de Suisse des deux personnages principaux, Nicolas Stavroguine, fils d'une riche propriétaire de la ville et affilié à une société secrète dont Piotr Verkhovenski, le second personnage, est le chef. Jusque-là, Dostoïevski déroute son lecteur en lui proposant comme personnage principal Stépane Verkhovenski, père de Piotr, ancien professeur, homme de lettres, ami et protégé de la mère de Nicolas Stavroguine, et également ancien éducateur de celui-ci.

La deuxième partie nous montre enfin Stavroguine et Piotr Verkhovenski en action. Le premier dévoile peu à peu sa véritable personnalité au cours de différentes visites. Le second se livre à une activité subversive aussi intense que brouillonne. Le point d'orgue de cette deuxième partie est la réunion Chez les nôtres : « Je pense que ces gens, prévenus d'avance, s'étaient réunis dans l'espoir agréable d'apprendre certaines choses intéressantes. Ils représentaient la fine fleur du radicalisme le plus rouge de notre vieille cité et avaient été soigneusement sélectionnés en vue de cette „séance“. [...] La plupart, évidemment, ne se rendaient pas compte du but de la réunion. » Cette scène fut largement inspirée d'une séance du congrès de la Ligue de la paix et de la liberté des démocrates bourgeois, à laquelle Dostoïevski avait assisté à Genève le 10 septembre 1867. Ce congrès avait eu pour vedettes le républicain italien Garibaldi et l'anarchiste russe Bakounine, ainsi que les principaux leaders de la 1re Internationale, fondée en 1864.

La troisième partie propulse à l'avant-scène la ville où se déroule l'action, un chef-lieu de province qui, selon certains, pourrait être la ville de Tver, située aux confins de la Russie d'Europe et d'Asie, où Dostoïevski a séjourné en 1859, en attendant l'autorisation de revenir dans les deux capitales. La « fête » organisée au profit des « pauvres gouvernantes » donne lieu à des épisodes scandaleux qui débouchent en un macabre crescendo sur l'incendie et l'émeute, une succession de coups de folie et de meurtres, l'exécution du repenti et deux suicides.

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Écrit par

  • : Professeur émérite à l'université Charles-de-Gaulle, Lille-III

Classification

Média

Dostoïevski - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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Autres références

  • DOSTOÏEVSKI FIODOR MIKHAÏLOVITCH (1821-1881)

    • Écrit par et
    • 5 000 mots
    • 1 média
    ...Dostoïevski étudia ensuite un autre type du chrétien destiné dans sa pensée à sauver la Russie – ce devait être « la vie d'un grand pécheur » repenti –, mais il en fut détourné par un des ces faits divers pour lui lourd de signification : l'exécution, par le nihiliste Nétchaev, de l'étudiant Ivanov soupçonné...