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LES DÉSASTRES DE LA GUERRE (exposition)

<em>Les Désastres de la guerre</em>, F. Goya - crédits : Collection Dagli Orti/ Musée des Arts Décoratifs Paris/ Picture Desk

Les Désastres de la guerre, F. Goya

Après L’Art en guerre. France 1938-1941 (musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 2012), l’historienne Laurence Bertrand Dorléac poursuit et étend son analyse de la guerre telle que les artistes nous la donnent à voir et à penser avec l’exposition Les Désastres de la guerre. 1800-2014, présentée au musée Louvre-Lens (28 mai-6 octobre 2014). Le sous-titre de l’exposition – « Pourquoi nous n’aimons plus la guerre » – peut surprendre : si nous n’aimons plus la guerre, c’est que nous l’aurions aimée… Or qui aime la guerre, quand fut-elle aimée ou aimable ? Le début du corpus (1800) et les guerres napoléoniennes donnent une première réponse. Comme l’écrivait Chateaubriand : « L’Europe, à moins d’événements imprévus, est pour longtemps dégoûtée de combats. Napoléon a tué la guerre en l’exagérant. » Goya donne à l’exposition son point de départ, son fil conducteur et, d’une certaine façon, sa méthode. Goya, vivace et durable – les termes sont de Baudelaire –, a dépeint les « Conséquences fatales de la guerre sanglante menée en Espagne contre Bonaparte et autres caprices emphatiques » (titre original du cycle d’eaux-fortes de 1810-1815, renommé Désastres de la guerre en 1863) et montré pour toujours la folie des hommes, leur cruauté et leurs monstruosités. De nombreux artistes se réfèrent à lui, d’Édouard Manet à Hans Hartung. L’artiste chinois Yan Pei-Ming expose en 2008 une Exécution, après Goya : un Tres de Mayo rouge sang qui ne peut qu’évoquer le massacre de la place Tiananmen en 1989.

Entre effroi et fascination

La force de cette exposition est de montrer à la fois la constance de l’horreur et les modifications des guerres et de leurs représentations depuis le début du xixe siècle. Ces changements sont autant liés à la nature des conflits qu’aux techniques utilisées par les artistes. Il ne s’agit pas ici de généraliser « notre dégoût supposé universel pour la destruction » (Laurence Bertrand Dorléac), mais d’être attentif aux ambiguïtés des représentations, au mixte d’effroi et de fascination qu’elles provoquent. Quelque deux cents artistes et quatre cent cinquante documents sont présentés en douze chapitres, chacun correspondant à un changement, voire à un tournant, dans l’histoire des machines de guerre comme dans les modes de représentation. De ce fait, à côté des « grandes guerres » et de leurs horreurs, on trouve des conflits dont les représentations sont moins souvent exposées.

De plus, le parti n’est pas uniquement chronologique. D’une part, les œuvres fortes (celles de Goya par exemple) ou certains personnages (Napoléon) sont confrontés à leurs résonances récentes, certaines horreurs ou exactions se répètent et les œuvres se font écho à travers ces répétitions. D’autre part, chaque section témoigne des perspectives conflictuelles qui traversent les images et les opposent : mises en scène héroïques, images de propagande font face aux caricatures, aux documents historiques ou à la violence particulière des photographies, à celle des estampes et des dessins, des objets (fils de fer, avions, soldats de plastique). On voit comment les images, souvent sorties de leur contexte, deviennent de véritables mythes ou des icônes atemporelles. Le spectateur est ainsi invité à une réflexion sur le statut de l’image et sur ses limites.

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<em>Les Désastres de la guerre</em>, F. Goya - crédits : Collection Dagli Orti/ Musée des Arts Décoratifs Paris/ Picture Desk

Les Désastres de la guerre, F. Goya