LES DÉSAXÉS, film de John Huston
Les Désaxés (The Misfits) est à l'origine une nouvelle écrite par Arthur Miller à Reno, alors qu'il attendait que soit prononcé le divorce qui lui permettrait d'épouser Marilyn Monroe. Le film, qui n'eut guère de succès à l'époque, est aujourd'hui connu pour des raisons qui tiennent moins à son contenu qu'à la vie de ses interprètes. Clark Gable mourra d'un infarctus quelques semaines après la fin du tournage, et Monroe ne terminera jamais son film suivant, au titre désormais prophétique, Something's Got to Give (« Quelque chose doit céder », George Cukor, 1962). Montgomery Clift eut à peine plus de chance ; il devait tourner encore trois films et mourir à quarante-six ans. Il n'en fallait pas davantage pour établir l'image « crépusculaire » des Misfits – fin du mythe de l'Ouest, fin de l'âge d'or d'Hollywood... Cependant, le film lui-même est irrigué par une conscience aiguë de la fin. « On verra plus jamais ça dans l'histoire ! », annonce Guido pendant la chasse au mustang... Les films américains qui, par la suite, feraient le portrait de cow-boys modernes, montreraient des hommes conscients de n'être plus que les acteurs d'un show dans un monde qui a besoin de leur image plus que de leurs mains : Le Dernier Bagarreur (Junior Bonner, Sam Peckinpah, 1972), ou encore Le Cavalier électrique (The Electric Horseman, Sidney Pollack, 1979).
« Vous êtes la fille la plus triste que j'aie jamais connue »
Au Nevada, comme dit Isabelle, les Américains se débarrassent de tout ce dont ils ne veulent plus : les bombes atomiques (qu'ils font exploser dans le désert), l'argent (qu'ils laissent dans les casinos), et les liens du mariage (qu'ils brisent à Reno). À Reno, tout aussi automatiquement, les divorcées de fraîche date s'enivrent et tombent dans les bras de cow-boys volages et désœuvrés... Roslyn, la nouvelle amie d'Isabelle, n'échappe pas à la règle, elle est simplement plus belle et plus triste que toutes les autres. Quant à son cow-boy, loin de la laisser choir après des privautés facilement obtenues, il lui fait la vie douce et finit par construire, pour plaire à ce « véritable morceau de gâteau » qu'est Roslyn, le monde sans violence qu'elle désire avec une folle intensité. Non, il ne tuera pas le lapin qui mange les salades du jardin ; oui, il laissera repartir libres les mustangs qu'il a eu tant de mal à capturer...
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Laurent JULLIER : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Autres références
-
GABLE CLARK (1901-1960)
- Écrit par Joël MAGNY
- 1 731 mots
- 1 média
...Pourtant, c'est grâce à un autre aventurier du cinéma, John Huston, que l'acteur allait tourner dans un dernier chef-d'œuvre, le mythique Misfits (Les Désaxés, 1961), avec Marilyn Monroe et Montgomery Clift. Mythique, parce que ces trois stars allaient disparaître peu après le tournage,... -
MILLER ARTHUR (1915-2005)
- Écrit par Liliane KERJAN
- 1 641 mots
...condisciple de l'université du Michigan, Mary Slattery, de 1940 à 1956, puis avec Marilyn Monroe, de 1956 à 1961 – pour qui il écrit le scénario des Misfits (Les Désaxés), tourné en 1961 par John Huston avec Clark Gable et Montgomery Clift, union qui lui fournira de surcroît l'argument d'... -
MONROE MARILYN (1926-1962)
- Écrit par Christian VIVIANI
- 1 601 mots
- 2 médias
...Le Milliardaire (Let's Make Love, George Cukor, 1960), dont le tournage est marqué par la liaison de Marilyn et de son partenaire Yves Montand, la situation empire sur le tournage cauchemardesque des Désaxés (The Misfits, 1961), où Marilyn Monroe retrouve John Huston. Ce scénario qu'Arthur Miller...