LES DEUX RÉVOLUTIONS INDUSTRIELLES DU XXe SIÈCLE (F. Caron)
Au seuil de cet ouvrage (Albin Michel, Paris, 1997), qui nous mène de la machine à vapeur à l'âge du vidéodisque numérique enregistrable (DVD), François Caron commence par dégager les concepts qui doivent rester présents à l'esprit durant tout ce parcours, tels que la cohérence et l'instabilité permanente des systèmes techniques, sans parler évidemment de la notion de révolution industrielle. Charbon et coton, canaux et chemins de fer évoquent tout naturellement l'Angleterre victorienne, la France du second Empire. C'est en étudiant ces époques que les historiens économistes britanniques et français ont mis au point l'appareil conceptuel qui permettra de mieux saisir l'originalité des révolutions industrielles du xxe siècle.
La percée de l'électricité, l'apparition de l'automobile montrent bien que le consommateur commence à tourner le dos au xixe siècle dans les années qui précèdent la Première Guerre mondiale pendant laquelle l'aviation et les télécommunications vont prendre leur essor industriel. C'est dans les années 1920 que se développent les grandes concentrations dans l'industrie chimique, une des industries reines de la deuxième révolution industrielle. Des firmes géantes comme I.G. Farben en Allemagne, I.C.I. en Grande-Bretagne, entretiennent de puissants organismes de recherche à titre permanent. C'est le triomphe de l'internalisation de la recherche. Les grandes firmes vivent de leurs brevets. Un des grands mérites de cette partie est de montrer l'essor novateur qui a marqué les années 1900-1914, période que l'opinion commune caractériserait volontiers par le triomphe des archaïsmes. Pour le chemin de fer, l'automobile, l'aviation, la « dynamique du système technique », décrite au chapitre v, est mise en place dès cette époque et se poursuit au-delà de 1945.
Ainsi, de nouvelles filières techniques, telles que l'électricité et la chimie organique, se sont développées jusqu'à la fin des années 1960 pour former un système techno-économique original, fondement de la civilisation de masse. Et, comme le souligne François Caron, les composantes de ce système « sont complémentaires les unes des autres : consommation de masse, production de masse, culture de masse, développement des macrosystèmes techniques, ou réseaux ».
C'est dans la troisième partie, consacrée à la période 1974-1992, qu'apparaît l'interprétation de la « révolution industrielle » qui fonde notre mode de vie actuel. Le début des années 1970 marque en effet une rupture. Les technologies de l'électronique et les matériaux nouveaux qui sont apparus pour répondre aux besoins de la société de consommation de masse ont progressivement transformé les conditions de son fonctionnement.
En 1974, l'effet de rattrapage accumulé jusqu'en 1950 vis-à-vis des États-Unis de la part de l'Europe et du Japon est épuisé. C'est à l'Europe d'imaginer. Particulièrement éclairante est l'étude des conditions de naissance du T.G.V. Pour l'aviation, on pourra se reporter à l'œuvre d'Emmanuel Chadeau. L'ouvrage de François Caron doit engager à se reporter aux grandes histoires d'entreprise comme La Compagnie de Saint-Gobain de 1830 à 1939 (E.A.C., Paris, 1988) de Jean-Pierre Daviet et le Pont-à-Mousson d'Alain Baudant (Publications de la Sorbonne, Paris, 1980). L'heureuse synthèse d'Alain Beltran et de Pierre Griset (Histoire des techniques aux XIXe et XXe siècles, Armand Colin, Paris, 1990) est aussi très utile pour la compréhension de cette évolution. En définitive, le système technique est entré, tout au long des deux dernières décennies, dans une période de recomposition semblable à celle des années 1880-1914. « Elle n'est pas achevée en 1990. De nouvelles logiques économiques[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre MOUGENOT : maître de conférences à l'université de Paris IV-Sorbonne
Classification