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LES ÉCRITS 1965-2012 (D. Buren) Fiche de lecture

Depuis qu’il est apparu sur la scène artistique parisienne, au cours des années 1960, Daniel Buren a accordé une place fondamentale à l’écriture. « Écrire sur l’art, dit-il, est une occupation bien trop sérieuse pour la laisser aux mains des seuls critiques ». Et il ajoute : « Je mets toujours à la disposition du public un petit texte… qu’il est souvent facile de se procurer ». Par ailleurs, ce texte est pour l’artiste une manière de conserver la trace d’un travail souvent éphémère. Ainsi naissent au fil du temps tracts, lettres ouvertes, entretiens, prises de position, textes théoriques et critiques. S’ils sont essentiels à la connaissance de l’œuvre, ils livrent aussi une vision passionnante d’un demi-siècle de création contemporaine et de politique culturelle.

La question du décoratif

L’aventure desÉcrits a commencé en 1989, alors que Daniel Buren préparait son exposition pour le C.A.P.C. (Centre d’arts plastiques contemporains-musée d’Art contemporain) de Bordeaux. Son directeur, Jean-Louis Froment, fit alors le pari de retrouver et de publier l’ensemble des textes depuis 1965. Réédités en 2013 par Flammarion et le Centre national des arts plastiques, ils sont suivis d’un deuxième volume, qui se termine en 2012, l’année d’Excentrique(S), le travail in situ pour Monumenta à Paris. Au total une somme considérable de près de 4 000 pages, bibliographie et index inclus. L’artiste, en intellectuel chevronné, y explique et commente son processus créatif, tout en dénonçant d’un coup de plume incisif certaines pratiques culturelles.

Le premier desÉcrits est un entretien de 1965, suivi de textes signés des membres du groupe B.M.P.T. : Daniel Buren, Olivier Mosset, Michel Parmentier et Niele Toroni. On y lit successivement : « Il se passe quelque chose au Salon de la jeune peinture » ou encore « Nous ne sommes pas peintres. » Le quatuor claque la porte du Salon « parce que les Salons montrent de la peinture et parce que la peinture… est par vocation objectivement réactionnaire ». Un autre tract suivra, distribué à l’issue d’une manifestation au musée des Arts décoratifs où Buren présente une toile de 2,50 × 2,50 m divisée en vingt-neuf bandes égales et verticales, rouges et blanches, dont les deux extrêmes sont recouvertes de blanc. Dès lors, Buren, qui va vite faire cavalier seul, a mis en place son « outil visuel » et dans le même temps lancé l’omniprésence de l’écriture.

Ce tissu rayé – « La bande n’est pas mon invention, je l’utilise c’est tout » –, Buren va en faire l’arme absolue de la critique du tableau dont il recherchera sans cesse le dépassement. Il s’agissait alors « de faire quelque chose qui brise la production artistique habituelle qui est une copie ou un miroir de la société de consommation ». Il ajoute : « C’est en n’affectant pas le regard que la peinture peut devenir lisible. » Cette pratique qui s’oppose à la peinture traditionnelle, il va l’argumenter – on serait tenté de dire la justifier – tout au long de l’évolution de l’œuvre. Ainsi, au fil des pages, on peut lire : « Il s’agit d’un questionnement de l’objet d’un questionnement de la peinture et de l’ambition consistant à obtenir une sorte de peinture réduite à son langage le plus strictement pictural en la débarrassant de l’histoire, des histoires. » Ou encore : « S’efforcer de parvenir à réduire davantage par rapport à ce pas trop fascinant, ni trop beau, ni trop laid, ni trop expressif, qu’on fait Mondrian ou Barnett Newman. » Il faut ajouter : « La couleur est indicible et donc pensée pure irremplaçable. Elle est aux arts visuels ce que les mots sont à la philosophie. »

Avec cette énergie et cette incroyable capacité d’inventer, les bandes de Daniel Buren vont circuler dans les musées et les galeries du monde entier. De surcroît, elles[...]

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