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LES ENFANTS TERRIBLES, Jean Cocteau Fiche de lecture

<it>Le Train Bleu</it> - crédits : Sasha/ Hulton Archive/ Getty Images

Le Train Bleu

Écrivain étincelant, capable de passer d'un genre à un autre avec virtuosité, comblé par les fées qui lui donnèrent pour parrain, dès l'adolescence, les comédiens De Max et Sarah Bernhardt, les écrivains Edmond Rostand et Anna de Noailles, célébré dans les salons comme l'enfant prodige d'une tradition où se croisaient la mode et l'avant-garde, Jean Cocteau (1889-1963) a souffert, de son vivant, de voir un masque d'arlequin frivole dérober la vérité profonde de son œuvre. Si l'on estime comme lui que les genres divers où il s'est illustré – théâtre, roman, graphisme, recueil poétique, confidences et jeux d'esprit, cinéma – relevaient tous de la poésie, peut-être voit-on mieux désormais où réside l'unité d'inspiration d'une œuvre que sa facilité maintint entre la gratuité du geste et le retour à un classicisme pouvant aller, comme dans Renaud et Armide (1943), jusqu'au pastiche racinien.

Les Enfants terribles (1929), inspirés certainement par les souvenirs de son adolescence à Maisons-Laffitte où Cocteau est né, montrent comment s'entrecroisent les thèmes favoris du poète romancier, toujours partagé entre la provocation des situations, la tension paroxystique du drame psychologique et un formalisme qui se situe dans la tradition de la Princesse de Clèves (1678), de Mme de La Fayette.

Malgré et à cause d'une jeunesse prodige, Raymond Radiguet (1903-1923) allait faire figure de maître pour Jean Cocteau. C'est sous l'influence de ses deux romans, Le Diable au corps (1923) et Le Bal du comte d'Orgel (1924), que furent écrits Les Enfants terribles.

Amours tragiques

Roman de l'adolescence, plus précisément de l'âge ingrat, Les Enfants terribles mettent en scène trois personnages de garçons, Gérard, Paul et Dargelos, figure de chef de bande, liés les uns aux autres, comme dans l'Andromaque de Racine, par un amour circulaire (Gérard aime Paul qui aime Dargelos), et deux figures de « filles » : Élizabeth, la sœur de Paul, et Agathe, une amie d'Élisabeth.

Le récit s'ouvre sur la scène, célèbre par sa violente charge poétique, qui, dans la cour du collège, voit Paul recevoir en plein cœur une boule de neige lancée par Dargelos : « Un coup le frappe en pleine poitrine. Un coup sombre. Un coup de poing de marbre. Un coup de poing de statue. Sa tête se vide. Il devine Dargelos sur une espèce d'estrade, le bras retombé, stupide, dans un éclairage surnaturel. »

Gérard transporte Paul chez lui où le soigne Élizabeth. À la suite du décès de leur mère un oncle recueille Paul et Élizabeth et les emmène avec Dargelos au bord de la mer. Ensuite, livrés à eux-mêmes, ils vivent reclus dans une chambre de leur appartement parisien. Là, l'usage de l'opium, la promiscuité incestueuse du frère et de la sœur, le dérèglement des rêves les transportent et les enferment dans l'absolu et la folie intraitable de leur âge, marqué par la révolte.

Trois ans s'écoulent, et après la brève tentative matrimoniale d'Élizabeth avec un coureur automobile qui se tue accidentellement, le trio infernal se reforme, rejoint par Agathe. Mais Élizabeth, soucieuse de conserver son ascendant sur son frère, ment à ce dernier, qui aime Agathe, en lui faisant croire que celle-ci aime Gérard, et en persuadant Gérard qu'il est aimé d'Agathe. D'où l'installation tragique d'une symétrie trompeuse qui oppose le couple bourgeois Gérard-Agathe au duo incestueux Paul-Élizabeth.

L'ange damné Dargelos reparaît, apportant cette fois-ci non pas une boule de neige mais une boule de poison que Paul finit par avaler et dont il meurt, cependant qu'Élizabeth se suicide.

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Autres références

  • COCTEAU JEAN (1889-1963)

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    ...intarissable tribut. En 1927, paraît Opéra, un des sommets d'inspiration de Cocteau. La « poésie de roman », quant à elle, n'est pas oubliée. En 1929, la critique accueille avec enthousiasme Les Enfants terribles, composés en trois semaines sous la dictée d'une force impérieuse. Ici éclate le...